S'il est encore trop tôt pour crier victoire, Paris paraît prendre le bon chemin pour vaincre la deuxième vague de coronavirus. Le ralentissement de l'épidémie est désormais très visible sur les indicateurs des laboratoires, et pourrait commencer à se faire sentir dans les hôpitaux. De quoi nourrir la réflexion sur l'efficacité des restrictions appliquées.
«La situation sanitaire s'améliore de façon assez spectaculaire. Les Parisiens respectent très bien ce confinement, ces efforts très contraignants payent», a reconnu ce dimanche 15 novembre Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la maire de Paris Anne Hidalgo, sur France 3. Car s'il faut encore faire preuve de prudence, le pic des contaminations de la deuxième vague dans la capitale pourrait bien être derrière nous.
Le nombre de nouveaux cas quotidien détectées s'établit actuellement à 588 malades (moyenne glissante sur une semaine), contre 1.910 cas au plus haut, le 27 octobre dernier. Cette chute vertigineuse, bien qu'à nuancer par la non-prise en compte des tests antigéniques, ramènerait la capitale à sa situation de début septembre, selon l'infographie du site Météo-Covid :
Cette tendance à la baisse se retrouve sur l'ensemble des indicateurs parisiens. C'est le cas des plus précoces, comme le taux d'acte SOS Médecin et le taux de passage aux urgences pour des symptômes Covid, mais aussi des désormais célèbres taux de positivité et de reproduction (ou «R», combien un malade contamine de personnes) qui s'effondre. Le taux d'incidence — le nombre de nouveaux cas pour 100.000 habitants sur sept jours – est même désormais repassé sous le seuil de l'alerte maximale fixée par le gouvernement (191 contre 250).
Autre point positif : la décrue semble amorcée dans toutes les tranches d'âges, aussi bien les plus de 60 ans vulnérables ainsi que les 20-40 ans qui ont été les principaux moteurs de la deuxième vague épidémique, d'après le graphique du site Covidtracker
Une baisse qui devrait très bientôt être validée par les capteaux du laboratoire d'Eau de Paris. Ceux-ci détectent en effet la concentration de coronavirus dans les eaux usées rejetées par les habitants de la capitale.
Or, les niveaux observés lors de cette deuxième vague sont presque remontés jusqu'à ceux de mars dernier, signe de la virulence de l'épidémie.
Mais les premiers effets concrets, s'ils doivent aussi se confirmer, commencent à se faire sentir sur les hôpitaux de la région parisienne, avec le décalage de 2 à 3 semaines habituellement relevé entre l'infection et la possible arrivée à l'hôpital. Ainsi, le nombre quotidien de nouveaux patients Covid admis diminue doucement. Idem pour celui des nouveaux malades entrant dans les services de réanimation, selon Meteo-Covid :
Le taux d'occupation des lits (qui sont gérés à l'échelle régionale) paraît aussi avoir amorcé une légère descente depuis le 12 novembre. Il reste encore toutefois bien trop élevé pour être soutenable, avec 96,5 % des lits de réa ou de soins critiques occupés par des patients Covid. En parallèle, les décès continuent encore à croître. La barre tristement symbolique des 10.000 morts du Covid en région parisienne vient d'ailleurs d'être franchie dimanche 15 novembre.
Les premiers effets de l'immunité collective ?
Plusieurs phénomènes se cumulent sans doute pour expliquer cette amélioration : les vacances scolaires et le couvre-feu qui ont débuté le 17 octobre. Le reconfinement, appliqué depuis le 30 octobre, doit aussi commencer à porter ses fruits. Autre hypothèse, mais qui reste encore largement à démontrer : l'immunité collective acquise par les parisiens au cours de ces deux vagues commencerait à les protéger.
Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, reconnaît envisager cette possibilité : «C'est un sujet très chaud que nous avons sur la table avec nos collègues européens et qui pose la question de l'immunité collective à Paris, mais aussi à Londres ou à Rotterdam... Faut-il attendre qu'au moins 50 % d'une population soit immunisée pour pouvoir commencer à maîtriser le virus ? Ou peut-on se contenter d'environ 25 % ?», s'est-il interrogé dans le Canard Enchaîné du 11 novembre.
Une hypothèse partiellement plausible, répond à Cnews Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève : «l'immunité de la population joue un rôle de frein, qui peut se révéler un allié précieux dans la lutte contre la pandémie, notamment en accompagnant les mesures barrières et les mesures de confinement actuellement en place». Car pour cet épidémiologiste, pas question de relâcher la vigilance : «si Paris a 20 % d'immunité collective, cela n'est clairement pas suffisant pour se passer de mesures complémentaires. A ce niveau, elle ne fait pas encore office de blocage. Il faut atteindre 60-70 % d’immunité pour bloquer tout risque épidémique au niveau de la population».
Quelques jours après le déconfinement, courant mai, l'Institut Pasteur avait estimé que près de 10 % de la population d'Ile-de-France avait été infectée lors de la première vague. La région parisienne avait alors été la plus touchée, avec celle du Grand Est.
«Il faut être prudent pour confirmer cette baisse, ce qui permettra d'alléger le poids sur les hospitalisations et les réanimations. Ensuite nous espérons que dans deux semaines, nous pourrons envisager de commencer à desserrer l'étau», a plaidé Emmanuel Grégoire, le bras droit de la maire de Paris. Le Premier ministre Jean Castex pourrait en effet annoncer une réouverture des commerces actuellement fermés à partir du 1er décembre.