Au lendemain de l’annonce par le Premier ministre, Jean Castex, du classement des Alpes-Maritimes parmi la liste des 54 départements où s’appliquera le couvre-feu à compter du vendredi 23 octobre à minuit, des voix s’élèvent pour remettre en cause la pertinence de la mesure.
Bien que la plupart estiment que la priorité est de limiter la propagation du Covid-19 afin d’éviter la saturation des services hospitaliers, particulièrement en réanimation, le maire de Nice, Christian Estrosi, se demande si un confinement court (trois semaines au maximum) n’aurait pas été plus efficace sur le plan sanitaire et moins néfaste pour l’économie locale qu’une interdiction de sortir chez soi entre 21h et 6h du matin.
L’ex-élu PS niçois Patrick Allemand doute, lui aussi, «de la pertinence sanitaire» du couvre-feu et redoute qu’un confinement total ne soit inévitable : «Tout ce qui est décidé en ce moment n’a qu’un objectif : permettre aux hôpitaux d’éviter la saturation et masque la crise de l’hôpital qui couvait depuis longtemps et dont le Covid n’est que le révélateur. Au point où nous en sommes, plutôt que de gérer cela comme un supplice chinois, on peut commencer à se demander s’il ne faudrait pas procéder à un reconfinement généralisé très rapidement.»
Pour le médecin urgentiste niçois Hervé Caël, le manque de cohérence des mesures prises par l’Etat «génère de véritables sentiments d’injustices». «Pourquoi limiter des activités nocturnes alors que les restaurants et autres établissements respectaient strictement des protocoles sanitaires ?» interroge celui qui déplore une concertation en dents de scie des élus locaux par le gouvernement et son incapacité à «restaurer la confiance avec les soignants, médicaux et paramédicaux, à cause du manque de moyens hospitaliers pour faire face». «Alors que la question d’un nouveau confinement se pose inévitablement, y répondre aujourd’hui représente peut-être une solution pour limiter sa durée et ses conséquences sociales, économiques et sanitaires», ajoute-t-il.
Pendant ce temps, le secteur de la restauration poursuit sa descente aux enfers. Après trois mois de fermeture contrainte et une saison estivale morose (en raison de l’absence des touristes étrangers), les restaurants, brasseries, bars et hôtels sont dans une situation financière très délicate. A Nice, certains sont au bord de la faillite, d’autres licencient. Pour les patrons des établissements niçois, cette nouvelle restriction est très mal vécue, alors même que les professionnels du secteur avaient fait de gros efforts pour appliquer, en concertation avec la municipalité, des protocoles sanitaires très stricts.
«A Nice, de nombreux restaurants réalisent 70 % à 80 % de leur chiffre d’affaires le soir, précise Fred Ghintran, le patron de la brasserie Félix-Faure et vice-président de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie)sur la Côte d’Azur. Pour ces établissements, le modèle économique est mort. Tout le monde est touché par cette nouvelle mesure. Beaucoup de confrères se demandent s’il ne vaut pas mieux fermer tout simplement. Mais cela aurait des conséquences dramatiques sur l’économie. Car si les restaurants ferment, que deviendront les autres commerces alentour ? Sans parler des fournisseurs, des grossistes, des producteurs et de toute la chaîne des métiers de la restauration.»
Si le couvre-feu ne parvient pas à ralentir l’épidémie, le gouvernement ne s’interdit pas la mise en œuvre d’un reconfinement territorial… ou généralisé d’ici quelques semaines.