Mis en cause dans une enquête pour leur gestion de la crise du coronavirus, l'actuel ministre de la Santé Olivier Véran mais aussi l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et les ex-membres du gouvernement Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye ont vu leurs domiciles et bureaux perquisitionnés jeudi matin.
D'autres perquisitions ont été menées chez le directeur général de la Santé Jérôme Salomon et la directrice générale de Santé Publique France, Geneviève Chêne. Ces opérations ordonnées par la Cour de justice de la Répubique (CJR) se sont déroulées «sans difficulté», a fait savoir le ministère de la Santé, «de façon très courtoise et avec la pleine coopération du maire» du Havre, selon l'entourage de M. Philippe.
«Edouard Philippe a toujours dit qu'il se tenait à disposition de la justice», a souligné de même source.
Selon une source judiciaire, ces perquisitions ont été réalisées par les gendarmes de l'OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique) et de l'OCLCIFF (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales). Certaines perquisitions étaient encore en cours jeudi en fin de matinée.
Leur timing pose question puisqu'elles viennent brouiller la communication gouvernementale qui, au lendemain de l'annonce choc de couvre-feux nocturnes en Île-de-France et dans huit métropoles, doit entrer dans une explication de texte très attendue avec une conférence de presse de Jean Castex à 14H00.
«Ca n'est pas l'urgence aujourd'hui, on doit lutter contre la deuxième vague et je ne suis pas persuadé qu'on doive perdre du temps avec ça», a réagi sur BFMTV le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde, qui ne croit «pas à la responsabilité pénale des ministres dans cette affaire».
«Je vois vraiment dans cette perquisition ordonnée au lendemain de la déclaration du président de la République par les plus hauts magistrats une vraie déclaration de guerre de la justice au pouvoir politique», a estimé sur LCI Gilbert Collard, député européen proche du RN.
«Mise en scène»
«C'est la procédure normale» et «ça prouve qu'il n'y pas deux justices à deux vitesses», a souligné sur BFMTV la députée (LREM) du Tarn Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui ne «voudrait pas qu'on brouille le message le plus important : ce que nous a dit le président hier soir.»
«Je ne trouve pas que ces perquisitions soient opportunes, il y a une judiciarisation de la vie politique. C'est plus une mise en scène qu'autre chose», a déploré sur LCI le député LFI Eric Coquerel.
Une information judiciaire avait été ouverte le 7 juillet pour «abstention de combattre un sinistre» et confiée à la commission d'instruction de la CJR, qui agit comme un juge d'instruction et mène les investigations Cette commission est composée de trois magistrats de la Cour de cassation.
Au total, depuis le début de la crise du coronavirus, 90 plaintes contre des ministres avaient été adressées à la CJR, seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour l'exercice de leur fonction. Seulement neuf d'entre elles avaient été jugées recevables, visant Olivier Véran, Edouard Philippe ou encore l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn et l'ex-porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.
Dans son avis consulté par l'AFP, la commission des requêtes de la CJR avait estimé «nécessaire qu'une enquête approfondie soit menée pour apprécier le bien-fondé des plaintes, leur base factuelle et l'élément moral du délit».
Les auditions des plaignants, parmi lesquels des représentants du collectif de médecins C19, ont démarré début septembre. Ceux-ci fustigent notamment «l'incohérence des mesures» prises au sommet de l'Etat ou encore «l'absence d'application des recommandations de l'OMS».
De son côté, le parquet de Paris, qui areçu plusieurs dizaines de plaintes ciblant parfois des responsables de l'administration, a ouvert le 9 juin une vaste enquête préliminaire, notamment pour «homicides involontaires» ou «mise en danger de la vie d'autrui».
Et, le collectif Victimes Coronavirus France, qui réunit 200 personnes, a visé mi-septembre le Premier ministre Jean Castex d'une plainte devant la CJR, estimant que le gouvernement continuait de «naviguer à vue» face à l'épidémie.