La France, nouveau terrain de choix pour les maladies tropicales véhiculées par les moustiques ? C'est en tout cas une menace prise très au sérieux par les autorités sanitaires françaises alors que la présence de l'Aedes albopictus, le moustique tigre, s'intensifie d'année en année dans le pays, contribuant à diffuser des virus tels que la dengue, zika ou le chikungunya, comme le confirment les dernières données de Santé publique France (SpF).
Dans son dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire, en date du 15 septembre, l'agence nationale de santé publique dresse ainsi un état des lieux très complet des arboviroses en France, portant sur l'année 2019.
En épidémiologie, les arboviroses renvoient aux maladies virales dues à des arbovirus, lesquels sont transmis par un arthropode comme un moustique, moucheron piqueur, tique... à des hôtes vertébrés (oiseaux, mais aussi mammifères incluant l'Homme). Santé publique France s'est plus particulièrement concentrée sur la dengue, zika et le chikungunya alors que des foyers de contamination autochtones ont été répertoriés dans l'Hexagone.
L'agence nationale de santé publique alerte par ailleurs sur le fait que le moustique tigre, insecte volant noir et blanc de petite taille et originaire des forêts tropicales d'Asie du Sud-Est arrivé dans le sud de la France en 2004, n'a eu de cesse de progresser en France.
En 2019, Aedes Albopictus colonisait au total, selon SpF, 51 départements, contre 42 en 2018. Une hausse fulgurante et neuf départements de plus en seulement un an.
Chikungunya : 113 cas confirmés ou probables en 2019
Concernant le chikungunya, le moustique tigre a été à l'origine d'au moins 113 cas confirmés ou probables de cette maladie sur l'ensemble de l'année 2019.
Comme le précise l'Institut Pasteur sur son site, le virus du chikungunya provoque chez les patients des douleurs articulaires aiguës qui peuvent être persistantes.
En makondé, une langue bantoue d'Afrique australe, chikungunya signifie d'ailleurs «qui marche courbé en avant», pour évoquer la posture adoptée par les malades en raison d'intenses douleurs articulaires.
La prise en charge médicale est uniquement symptomatique, reposant sur des traitements anti-douleurs et anti-inflammatoires.
D'après Santé publique France, la totalité des 113 cas de chikungunya recensés en France en 2019 concernait des gens qui avaient voyagé dans des pays à risques et qui y avaient été infectés avant de revenir en France.
Pour autant, l'agence nationale de Santé publique est formelle : pour elle, les médecins doivent avoir en tête que le chikungunya peut être diagnostiqué même chez des gens qui n'ont pas voyagé.
C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour les deux autres arboviroses étudiées. Santé publique France appelle donc les médecins à accroître leur vigilance.
Dengue : au moins 923 cas, dont 9 autochtones, recensés en 2019
Les données quant à la dengue sont, elles, encore plus préoccupantes. Alors qu'on a recensé en France l'an passé au moins 923 cas de cette maladie, neuf concernaient en effet des personnes n'ayant pas voyagé dans des pays à risques et contaminées via une piqure de moustique en France métropolitaine.
Dans le détail, Santé publique France précise ainsi que sept cas autochtones de dengue ont été repérés dans les Alpes-Maritimes entre juillet et août 2019, et deux autres ont aussi été identifiés plus au nord, dans le Rhône, à une période moins chaude, en septembre.
«Il s'agit de la première détection de foyers de cas autochtones d'arboviroses en Auvergne-Rhône-Alpes alors que la présence [du moustique tigre] s'intensifie un peu plus chaque année dans la région», souligne et alerte l'agence sanitaire. A l'origine, cette contamination était partie d'une personne revenant du Cambodge fin juin et qui habitait à moins de 100 mètres de l'un des deux cas autochtones.
«Une sensibilisation des voyageurs est indispensable pour qu'ils se protègent contre les piqûres de moustiques dans les zones de circulation et pour qu'au retour de ces zones, ils (...) consultent un médecin le plus rapidement possible s'ils présentent des signes évocateurs» de la maladie, préconise Santé publique France.
De son côté, l'institut Pasteur rappelle que la dengue dite «classique» se manifeste brutalement «après 2 à 7 jours d’incubation par l’apparition d’une forte fièvre souvent accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires et d’une éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole [...] La guérison s’accompagne d’une convalescence d’une quinzaine de jours». Il n’existe aujourd’hui ni traitement spécifique ni vaccin pour combattre cette maladie.
Zika : 17 cas recensés en France, dont trois autochtones
Enfin, concernant le virus Zika, Santé publique France indique que ce sont au total 17 cas d'infections à ce virus qui ont été officiellement enregistrés en France l'an passé, dont trois cas autochtones. Une première en France et même en Europe.
Les trois cas autochtones de zika ont ainsi été détectés en août 2019 à Hyères dans le Var. Et avant cela en effet, aucun cas de transmission autochtone n'avait été repéré en France et en Europe, «malgré des centaines de cas importés lors de l'épidémie de 2016» qui avait démarré au Brésil, souligne SpF.
Ces trois cas «résidaient dans un rayon de 50 mètres et avaient tous des jardins attenants. Ils rapportaient avoir été "très piqués" et que les moustiques étaient "très nombreux" à leur domicile», toujours selon Santé publique France.
La chaîne de transmission a ensuite «probablement régressé d'elle-même». D'ailleurs, on ignore même comment elle avait démarré : l'une des hypothèses est que le virus avait été introduit à Hyères par une personne revenant de Thaïlande, mais cette piste n'a jamais été confirmée.
La maladie est assez insidieuse dans la mesure où la majorité des personnes infectées par le virus Zika (70 à 80 % des cas selon l’institut Pasteur) ne développent aucun symptôme. Dans le reste de la population, les symptômes sont de type grippal : fatigue, fièvre (pas nécessairement forte), maux de tête, douleurs musculaires et articulaires dans les membres. Là encore, il n’existe actuellement pas de vaccin pour prévenir l'infection par le virus Zika, ni de médicament spécifique pour soigner la maladie.