Véritable serpent de mer de l'histoire politique récente, l'élargissement du droit de vote à 16 ans revient dans le débat public, ce jeudi 10 septembre, à la faveur d'une pétition lancée par le groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS).
Créé en mai dernier par des députés déçus du macronisme, ce groupe parlementaire, qui regroupe aujourd'hui 16 élus, est présidé par Matthieu Orphelin, député de la première circonscription du Maine-et-Loire, et Paula Forteza, élue de la deuxième circonscription des Français établis hors de France.
Emanation de l'aile gauche de La République en Marche (LREM) - formé après des mois d'une retentissante fronde contre le groupe majoritaire au palais Bourbon - Ecologie Démocratie Solidarité veut ainsi porter diverses propositions progressistes parmi lesquelles, donc, l'abaissement de l'âge légal du vote de 18 à 16 ans.
Pour ce faire, outre la pétition lancée aujourd'hui, le groupe doit déposer une proposition de loi en ce sens, le 8 octobre prochain, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe à l'Assemblée.
Demain à 11:00, nous lançons une action surprise sur le droit de vote à 16 ans #jevoteà16ans. La parole sera aux assos de jeunesse, orgas lycéennes et personnalités qui portent ce combat depuis de longues années !
Pour suivre en ligne & participer https://t.co/pe07D7jRMp pic.twitter.com/oddu2CpDBz— Paula Forteza (@PaulaForteza) September 9, 2020
Ce jeudi, Ecologie Démocratie Solidarité organisait par ailleurs une vaste concertation regroupant diverses «personnalités, associations de jeunesse et organisations lycéennes», comme l'avait indiqué, la veille, Paula Forteza sur Twitter.
Parmi elles, le syndicat lycéen UNL qui, en janvier 2017, soit quelques semaines seulement avant l'élection présidentielle, avait justement organisé une votation sur la question à laquelle 62 % des quelque 57.000 élèves participants s'étaient dit favorables au droit de vote à 16 ans.
Une solution à l'abstention des jeunes ?
Pour ses partisans, faire passer l'âge légal du vote de 18 à 16 ans, pourrait constituer une réponse aux importants taux d'abstention des 18-25 ans qui se répètent à chaque scrutin. Une analyse partagée d'ailleurs par certains politologues à l'instar de Michael Bruter.
Interrogé par Le Monde en 2015, ce professeur à la London School of Economics, soulignait ainsi «que le droit de vote à 16 ans a été mis en place avec succès en Autriche, au Brésil, en Argentine et dans plusieurs Länder allemands».
Les jeunes de cet âge, avait-il ajouté, «ont aussi été invités à participer au référendum sur l’indépendance de l’Ecosse de 2014, avec succès : 80 % des 16-18 ans ont voté à cette occasion». Autre argument avancé par Michael Bruter et plusieurs études : les jeunes qui votent lors des deux premières élections suivant leur majorité électorale deviennent des «participants chroniques», ce qui veut dire qu'ils ont davantage tendance à voter pour le reste de leur vie.
S'appuyant sur le principe selon lequel «on ne naît pas citoyen mais on le devient», octroyer le droit de vote à 16 ans constituerait au contraire une grave erreur pour les détracteurs de cette proposition qui estiment qu'à cet âge les esprits sont encore trop influençables et donc incapables de décider en pleine connaissance de cause. Un raisonnement aussitôt balayé par les tenants du projet qui considèrent que cette différence d'âge, de seulement deux ans, ne tient pas la route.
Interrogé en mai 2019 par le Youtubeur Hugo Travers, à deux jours seulement des élections européennes, Emmanuel Macron s'était quant à lui dit «prêt» à abaisser le droit de vote à 16 ans mais en prenant le soin d'aussitôt assortir cette prise de position à un vote massif des 18-25 ans aux prochains scrutins.
Reste que lors du scrutin européen de 2019, l'abstention des jeunes était restée forte (60 %), mais en nette baisse par rapport à la précédente élection de 2014 (74 %). Une mobilisation qui avait également profité aux écologistes, la liste EELV raflant 25 % des voix des 18-24 ans et 28 % de celles des 25-34 ans. Des préoccupations vertes justement rappelées par les jeunes qui ont défilé par milliers dans les rues dans l'ère pré-Covid et qui ont maintes fois reproché au président de la République et à son gouvernement de ne pas assez agir sur les questions climatiques.