Un peu plus d'une semaine après les révélations sur les rejets supposés de polluants de Lafarge dans la Seine, la mairie de Paris, par le biais de trois de ses adjoints, a exigé des améliorations de la part du cimentier. Sans pouvoir faire beaucoup plus.
Au lendemain d'une éprouvante réunion de concertation de quatre heures, Emmanuel Grégoire, le premier adjoint et homme de confiance d'Anne Hidalgo, s'est dit «satisfait» ce mercredi 9 septembre de la réaction de Lafarge. La veille au soir, en présence de riverains et d'élus, le cimentier a présenté un premier plan d'action d'urgence pour limiter les pollutions sur ses sites. Mais avec une relation de confiance «très dégradée», Emmanuel Grégoire entend bien rester attentif «aux mesures concrètes déployées dans les semaines qui viennent».
Les discussions ont également progressé sur un autre point chaud : le réaménagement de l'usine du port de Javel (15e), avec une «modification substantielle du permis de conduire en bon chemin», veut croire Emmanuel Grégoire. Parmi les principales évolutions, figure le plafonnement définitif de la capacité de production possible sur le site, «à 80.000 m3 de ciment par an contre 120.000 m3 prévus initialement». Lafarge avait déjà accepté cette limitation en février, mais avec la possibilité de pouvoir la ré-augmenter dans le futur.
Un permis de construire modificatif attendu
«Un permis de construire modificatif devra nous être présenté, ainsi qu'à la préfecture de région, à l'issue d'une nouvelle concertation avec les riverains. Nous espérons d'ici à la fin de l'année», a indiqué le bras droit de la maire de Paris. Autre avancée obtenue : la mise en place par le préfet de région, «sur la durée», de contrôles aléatoires de toutes les installations industrielles de ce type dans la capitale et en Ile-de-France. Des discussions ont également été ouvertes avec Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, «en vue de durcir les sanctions pénales contre les pollueurs», a fait savoir Emmanuel Grégoire.
Concernant la procédure judiciaire en cours, le premier adjoint a de nouveau souligné la volonté de la ville de se porter partie civile, bien que la mairie n'a finalement pas porté plainte le parquet s'étant auto-saisi de l'affaire. Et «si la responsabilité de Lafarge est avérée, l'entreprise devra payer pour les dégâts subis par la Seine et la biodiversité. Nous demanderons la réparation intégrale du préjudice environnemental», a prévenu l'adjoint à l'environnement Dan Lert.
Impossible toutefois pour la mairie de Paris de prendre des mesures plus draconiennes, comme l'interdiction de ces cimenteries. «La ville n'a que peu de pouvoir sur son fleuve», a rappelé Pierre Aidenbaum, le nouvel adjoint à la Seine. Les quais sont en effet détenus par Haropa - port de Paris, un établissement géré par l'Etat, qui les loue ensuite aux entreprises. Pour y pallier, l'entourage d'Anne Hidalgo est «favorable à la création dans la loi d'un statut juridique pour la Seine. Cela donnerait un cadre légal solide pour la protéger. Aujourd'hui, c'est un gloubi boulga administratif».
Mais ces évolutions présentées par l'équipe municipale ne satisfont pas l'opposition, principalement sur le réaménagement du port de Javel. «Cette réunion était de l'enfumage : nous allons nous battre pour obtenir l'abandon du projet», rétorque Agnès Evren, présidente de la fédération Les Républicains de Paris. Celle qui participe aux discussions en tant qu'élue du 15e arrondissement met également en avant «la confiance rompue avec Lafarge». En cause, la reprise des travaux au port de Javel dès le premier jour du déconfinement, alors que l'entreprise s'était engagée en février à attendre un accord avec les riverains mécontents.
Deux réunions supplémentaires à venir
Selon Agnès Evren, «l'autre solution serait de réviser en profondeur le projet, c'est à dire réduire sensiblement la surface, la hauteur, la production de béton... Mais ça ne serait que des petites modifications et les riverains seraient très déçus». L'association RivJavel réclame de longue date que «la centrale Lafarge quitte ce site, à l'instar de l'usine Citroën il y a déjà plusieurs décennies ou de la voie Georges Pompidou».
Un site qui avait d'ailleurs été la cible d'une action d'Extinction Rebellion en février dernier. Deux nouvelles réunions de concertation sous l'égide de la mairie de Paris sont au programme, dans le courant du mois de septembre puis en octobre. Contactée, l'entreprise Lafarge n'a pas répondu.