De par le «retentissement» et le caractère «historique» des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, le procès des attaques, qui s'ouvre ce mercredi 2 septembre à Paris, sera intégralement filmé. Ce sera seulement le treizième dans l'histoire judiciaire française à se dérouler sous l'œil des caméras, et le premier en matière de terrorisme.
Le procès de Klaus Barbie (1987)
Alors qu'il était interdit de filmer ou d'enregistrer une audience depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse, une loi voulue par le garde des Sceaux Robert Badinter est promulguée en 1985, autorisant les captations sonores et audiovisuelles quand elles présentent «un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice», en vue du procès du criminel nazi Klaus Barbie.
Premier procès intégralement filmé en France, celui-ci s'ouvre le 11 mai 1987 devant la cour d'assises du Rhône, à Lyon. Klaus Barbie est jugé pour crimes contre l'humanité, une autre première dans l'Hexagone. Ancien chef de la Gestapo de Lyon entre 1943 et 1944, celui qui est surnommé «le boucher de Lyon» comparaît après quarante ans de cavale en Amérique latine, et quatre ans après son extradition vers la France. Le 4 juillet 1987, il est reconnu coupable de 17 crimes contre l'humanité pour avoir participé à la déportation de centaines de Juifs de France, et condamné à la réclusion à perpétuité. Il décèdera en détention le 25 septembre 1991, à l'âge de 77 ans.
Le procès de Maurice Papon (1997-1998)
La Shoah de nouveau en procès. Seize ans après l'éclatement de l'affaire suite à des révélations du Canard Enchaîné, s'ouvre le 8 octobre 1997 à Bordeaux, devant les assises de la Gironde, le procès de Maurice Papon. Ce grand serviteur de l'Etat, ancien ministre, député, maire et préfet, est accusé de complicité de crimes contre l'humanité pour «son rôle actif» dans la déportation de 1.690 Juifs entre 1942 et 1944, lorsqu'il était secrétaire général de la préfecture de Gironde.
Au terme du plus long procès criminel de l'après-guerre (six mois d'audiences) et après 19 heures de délibéré, Maurice Papon est condamné à 10 ans de réclusion criminelle et au versement de l'équivalent de 700.000 euros aux parties civiles. Il est remis en liberté le 18 septembre 2002 pour raisons de santé, et meurt le 17 janvier 2007, à 96 ans.
Les 3 procès AZF (2009, 2012, 2017)
La plus grande catastrophe industrielle de l'après-guerre en France. Le 21 septembre 2001 explosait l'usine chimique AZF à Toulouse, faisant 31 morts, 2.500 blessés et de lourds dégâts matériels. Cet incident majeur a donné lieu à trois procès, en 2009, 2012 et 2017, tous filmés dans leur intégralité. Lors du premier procès, en 2009, l'ancien directeur de l'usine, Serge Biechlin, et la société Grande Paroisse, gestionnaire du site et filiale du groupe Total, sont relaxés au bénéfice du doute. Trois ans plus tard, ils sont condamnés en appel pour «une pluralité de fautes caractérisées et graves» ayant rendu la catastrophe possible.
Un jugement annulé en 2015 par la Cour de cassation pour défaut d'impartialité d’un magistrat, engagé dans une association d'aide aux victimes. En 2017, à l'issue du troisième procès, Serge Biechlin est condamné par la cour d'appel de Paris à 15 mois de prison avec sursis et à 10.000 euros d'amende, tandis que l'entreprise Grande Paroisse se voit infliger l'amende maximale de 225.000 euros. De son côté, comme en 2009 et 2012, le groupe pétrolier Total est mis hors de cause. L'an dernier, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris, excluant donc l'organisation d'un quatrième procès.
Les procès du génocide rwandais (2014-2018)
D'avril à juillet 1994, plus de 800.000 Rwandais, de l'ethnie tutsi pour la plupart, sont massacrés à travers le pays par des extrémistes hutu. Vingt ans plus tard, en 2014, a lieu le premier procès en France lié à ce génocide. Sur le banc des prévenus, Pascal Simbikangwa, arrêté à Mayotte en 2008 pour trafic de faux papiers et jugé dans l'Hexagone au titre de la «compétence universelle», qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient le lieu où il a été commis et la nationalité des auteurs ou des victimes.
Cet ex-capitaine de la garde présidentielle rwandaise, reconverti dans la police politique en 1986, est accusé d'avoir organisé des barrages routiers au passage desquels étaient filtrés et exécutés les Tutsis, d'avoir donné des instructions et livré des armes aux miliciens Interahamwe qui tenaient ces barrages. Il est condamné le 14 mars 2014 à 25 ans de réclusion criminelle pour génocide et complicité de crimes contre l'humanité. Une condamnation confirmée en appel en décembre 2016. De leur côté, les deux ex-maires rwandais Octavien Ngenzi et Tito Barahira sont condamnés en juillet 2016 par la cour d'assises de Paris à la prison à vie pour avoir été des rouages essentiels des massacres de Tutsis dans leur village de Kabarondo. Leur peine est confirmée en appel en juillet 2018.
Mais aussi...
En 1994, le procès de Paul Touvier, ancien chef du service de renseignements de la milice lyonnaise sous l'Occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, est lui aussi intégralement filmé. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour crime contre l'humanité. En 2007, c'est au tour du procès en diffamation intenté par le négationniste Robert Faurisson à l'ancien ministre Robert Badinter, pour l'avoir qualifié de «faussaire de l'histoire», de se dérouler devant des caméras. Procès perdu par Robert Faurisson. Enfin, en 2010, un autre procès pour l'histoire se déroule à Paris : celui de 14 anciens hauts responsables de l'ex-junte chilienne, jugés, en leur absence, pour les disparitions de quatre Français ou Franco-Chiliens sous la dictature d'Augusto Pinochet. Treize d'entre eux sont condamnés à des peines allant de quinze ans de prison à la perpétuité.