Désigné à la surprise générale ministre de la Justice et garde des Sceaux dans le gouvernement de Jean Castex, le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti va devoir s'atteler à de nombreux chantiers lancés par sa prédécesseur Nicole Belloubet. Voici ses travaux les plus prioritaires.
Trouver une issue à la grève des avocats
Parmi tous les dossiers qui attendent le célèbre avocat pénaliste, la grève des avocats contre la réforme des retraites figurera à coup sûr en haut de la pile.
Ceci d'autant plus que Jean Castex, le nouveau Premier ministre, a fait savoir, qu'il comptait sur ce sujet «agir vite».
Une reprise en main accélérée qui pourrait relancer de plus belle la contestation des robes noires contre le projet du gouvernement sur les retraites, qui avait perturbé pendant plusieurs semaines des dizaines de tribunaux à travers le pays avant d'être interrompu par la pandémie.
Particulièrement inflexibles, les avocats réclament depuis le début le retrait du projet de loi visant à créer un système universel par points. En effet, ils le considèrent dommageable pour leur profession notamment parce qu'il s'accompagnerait d'un doublement de leurs cotisations.
«Ce n'est pas de tout cœur qu'on fait grève mais ce qui est en jeu c'est notre système. Ce n'est pas un système spécifique mais un système autonome qui alimente d'autres caisses», faisait lui-même valoir Eric Dupond-Moretti, en janvier dernier, devant le tribunal de Saint-Quentin, s'associant à la grève.
Son action en la matière va donc être particulièrement scrutée, lui qui est à présent tiraillé entre ligne gouvernementale et revendications portées par ses pairs.
Réformer le droit pénal des mineurs et celui de l'environnement
En septembre 2019, l'ancienne ministre de la Justice Nicole Belloubet, avait présenté une réforme du Code pénal des mineurs visant à modifier l'ordonnance «historique» en matière de délinquance juvénile : celle dite de 1945 jugée par beaucoup de juristes comme obsolète.
Mesure phare du texte : la présomption de «non-discernement» pour les moins de 13 ans. En clair : en-dessous de cet âge, un jeune ne pourra pas être poursuivi pénalement.
Initialement prévue au 1er octobre de cette année, l'application du projet de loi a finalement été reportée à mars 2021. Mais les débats parlementaires pourraient être houleux pour le ministre Dupond-Moretti alors que plusieurs professionnels du droit jugent le nouveau Code pénal des mineurs inapplicable par manque de moyens.
Autre grand chantier lancé par Nicole Belloubet et qui doit être repris : la réforme du droit pénal de l'environnement censée améliorer la lutte contre la délinquance environnementale en créant notamment dans les 36 cours d'appel existantes, une juridiction dédiée.
Déjà adopté en mars, le texte doit à présent être examiné à l'Assemblée nationale pour être débattu par les députés. Et alors qu'Emmanuel Macron veut placer l'acte 3 de son quinquennat sous le signe de la relance économique et verte, l'action de son ministre de la Justice sera très observée.
Gérer la surpopulation carcérale
Avec 58.926 détenus au 24 mai dernier- contre 72.500 le 16 mars précédent, un record - pour environ 61.000 places opérationnelles, la densité moyenne des prisons françaises s'établit désormais à 96 %.
Cette baisse historique, liée à la réduction de l'activité pénale pendant le confinement et à des mesures de libération anticipée pour éviter une crise sanitaire due au coronavirus, a fait naître chez certains professionnels de la justice une volonté d'en finir une bonne fois pour toute avec la surpopulation carcérale.
Un appel que pourrait bien entendre Eric Dupond-Moretti lui qui, durant le confinement, s'était prononcé en faveur d'une loi «d'amnistie» pour désengorger les prisons.
Si pour ce faire une solution trop radicale était retenue, il devrait, le cas échéant, composer avec une opinion publique aux abois et particulièrement à cran alors que les événements violents se multiplient partout dans le pays.
L'agression d'un chauffeur de bus à Bayonne ou la mort d'une jeune gendarme lors d'un contrôle routier ont à cet égard beaucoup marqué les esprits.
Concernant la deuxième affaire, une partie de l'opinion n'a pas compris pourquoi un chauffard avait pu conduire sous l'empire de stupéfiants et sans permis, annulé il y a un an.