A l'écart des municipales à Paris depuis le début de la crise du coronavirus, Agnès Buzyn a décidé mardi 26 mai de reprendre la campagne. Mais la candidate LREM va entamer la bataille du deuxième tour dans une situation extrêmement compliquée.
Après une première annulation, Agnès Buzyn a finalement réuni ses équipes mardi à 13h30 pour leur annoncer sa décision. L'ex-ministre de la Santé, qui avait réenfilé la blouse blanche pour lutter contre le Covid-19, laissé en effet planer le doute sur ses intentions depuis de longs jours.
Alors que son staff et les membres de ses listes étaient murés dans le silence, deux courants s'affrontaient au sein de La République en Marche : l'un en faveur de son maintien, l'autre pour son retrait. Au point qu'un conseiller de l’Elysée a même avancé dans la matinée que c'était «fini pour elle», évoquant à la place «une candidature de témoignage pour perdre avec panache».
Selon une tête de liste d'Agnès Buzyn, le silence de la candidate LREM jusqu'à présent s'explique par le fait que «la campagne étant arrêtée, elle ne pouvait pas s’exprimer car elle n'en avait pas la légitimé, comme la maire de Paris Anne Hidalgo ou la maire du 7e arrondissement Rachida Dati». Mais ce proche assure que «c'est désormais le moment pour elle de donner ses réponses».
Un résultat décevant au premier tour
Reste que malgré sa résolution et le soutien de cadres du parti présidentiel, Agnès Buzyn va faire son retour dans une position très défavorable. Après quelques jours d'embellie quand elle a pris la relève de Benjamin Griveaux mi-février, elle n'a obtenu qu'une décevante 3e place au premier tour. Avec 17 % des suffrages, elle est loin des 29 % de la maire sortante Anne Hidalgo.
Puis, ses propos quelques heures plus tard sur la «mascarade» des municipales ont provoqué une déflagration. Bien qu'amoindrie pendant deux mois par la catastrophe du Covid-19, l'onde de choc fait désormais le plus gros des dégâts.
«Quel pourrait-être le récit de son retour en campagne, de son expérience vécue pendant le coronavirus et de ses déclarations après le premier tour ?», s'interroge Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'IFOP. L'analyste politique ignore également «comment Agnès Buzyn pourrait ré-atterrir dans le champs politique parisien, alors qu'Anne Hidalgo et Rachida Dati ont été très présentes pendant la crise».
Mais dans son camp, on veut encore croire qu'il «existe un espace politique pour un arc modéré entre Anne Hidalgo et Rachida Dati, et une attente des Parisirens».
La position d'Agnès Buzyn s'annonce néanmoins intenable. Après avoir quitté le ministère de la Santé juste avant la tempête du coronavirus, sa légitimité risque d'être sans cesse remise en question.
Les attaques ont d'ailleurs déjà commencé, pour l'instant venant «seulement» du candidat écologiste David Belliard et de la sénatrice EELV de Paris Esther Benbassa. Mais il faut imaginer l'intensité du tir de barrage qui sera déclenché par les favorites Anne Hidalgo et Rachida Dati, ainsi que leurs entourages.
D'autant que mi-mai, ses alliés de l'UDI-Modem se posaient encore la question «de la suite à donner» à leur engagement.« Je ne suis pas sûr de vouloir recommencer ce chemin de croix», avait admis le patron des centristes parisiens, Eric Azière.
Agnès Buzyn menacée par les enquêtes
En outre, la période critique de la fin de campagne coïncidera avec les commissions d'enquêtes parlementaires sur la gestion de la crise du coronavirus, prévues à l'Assemblée et au Sénat fin juin. Très probablement citée à témoigner, Agnès Buzyn devra alors passer de la posture d'accusée le matin à celle de candidate en campagne l'après-midi.
Pour tenter de se sortir de cette spirale négative, La République en Marche pourrait décider de recoller les morceaux avec Cédric Villani. Le dissident avait tendu la main en cas de retrait d'Agnès Buzyn. En difficulté à l'issue du premier tour, avec 7,8 % des suffrages, le mathématicien pourrait être tenté de négocier une alliance, au moins dans certains arrondissements.