Oubliée la polémique retentissante du début d'année : le Parlement a définitivement adopté mardi, par un ultime vote à l'unanimité de l'Assemblée, la proposition de loi centriste qui prévoit de porter le congé pour deuil d'enfants à 15 jours ouvrés.
Le texte a été adopté à main levée avec l'appui de l'ensemble des groupes, dans une atmosphère teintée d'émotion, et avec quelques larmes. Un vote ponctué par des applaudissements debout.
La mort d'un enfant est «une tragédie sans équivalent» et il faut accompagner «le mieux possible» les familles, même si «ça ne sera jamais à la taille du drame qui est vécu», a affirmé la ministre du Travail Muriel Pénicaud, ajoutant que le sujet «prend une résonance nouvelle» dans un contexte d'épidémie.
Elle a rappelé l'«émotion» en première lecture fin janvier autour de ce texte, défendant une proposition «considérablement enrichie» depuis, grâce à un travail de «co-construction» qui va permettre de créer «rapidement» des droits nouveaux.
"Ce texte est né dans le fracas», mais les familles et associations ont compris que c'était «l'occasion de faire mieux» et de prévoir "un accompagnement global» a abondé Adrien Taquet (Protection de l'enfance).
La proposition de loi de Guy Bricout (UDI-Agir) a de fait connu un parcours tumultueux. En janvier, les «marcheurs» avaient provoqué une vague d'indignation en amputant, suivant la ministre du Travail, le texte de sa mesure phare : l'allongement du congé de deuil à 12 jours, contre cinq jusqu'à présent.
Le rejet de la disposition avait été dénoncé par les oppositions comme «une honte», et le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux avait demandé un nouveau vote. Dans un rare rappel à l'ordre, Emmanuel Macron avait demandé au gouvernement de «faire preuve d'humanité».
Celui-ci avait reconnu une «erreur» et les élus LREM avaient surenchéri, proposant de porter le congé pour deuil d'enfant à quinze jours ouvrés.
Le Sénat dominé par la droite a ensuite adopté à l'unanimité début mars une version enrichie, que les députés ont entériné.
Le texte porte de cinq à sept jours le congé actuellement prévu par le Code du travail, et créé un «congé de deuil» de huit jours supplémentaires fractionnable, pour partie pris en charge par la Sécurité sociale. Ce congé est étendu aux travailleurs indépendants et aux agents publics.
Une allocation forfaitaire sera en outre versée aux familles en cas de décès d'un enfant à charge, dont le montant sera fixé par décret.
«Un mal pour un bien»
Dans une atmosphère aux antipodes du tumulte de la première lecture, plusieurs élus ont salué le fait que la majorité ait admis une «erreur».
Certains ont raconté leur propre drame, à l'instar de Michèle Peyron (LREM) qui a perdu «son premier enfant" à l'âge de 26 ans, sans «aucun soutien ni suivi».
Emu aux larmes, Charles de Courson (Libertés et Territoires) a salué un texte «plein d'humanité», jugeant qu'il ne pouvait émaner que des parlementaires.
Bénédicte Pételle (LREM), la gorge nouée, a aussi vanté des «avancées considérables", à l'heure où sont annoncés «froidement» chaque jour les décès du Covid-19.
Pour Guy Bricout, la proposition est devenue «beaucoup plus généreuse» qu'initialement, Jean-Christophe Lagarde (UDI) se félicitant que l'histoire «se termine bien».
Saluant des «droits nouveaux» face à «l'abîme» de la mort d'un enfant, la plupart des élus, comme Pierre Dharréville (PCF), se sont refusés à évoquer «les épisodes précédents».
«Qu'importe le chemin (...) pourvu qu'à la fin cette humanité l'emporte», a affirmé François Ruffin (LFI), qui avait dénoncé à l'origine une majorité «mesquine». Il y a même vu, comme d'autres, «un mal pour un bien» au vu des améliorations apportées.
Gilles Lurton (LR) a aussi invité à «passer sur cet épisode pour ne retenir que le meilleur», tandis que Louis Aliot (RN, non-inscrit) a salué un texte qui "revient de loin» et est «un petit signe d'espoir».
Rare «dissonance» dans le consensus général, Pierre Dharréville (PCF) a regretté une disposition qui «n'a pas sa place dans cette loi» : le don de jours de congés, élargi par la proposition de loi au bénéfice d'un parent endeuillé.