Confinement et crise sanitaire oblige, les couples qui avaient prévu de se dire oui ont dû mettre leur mariage en suspens. Si c’est toute une organisation à repenser pour les futurs mariés, les prestataires, souvent indépendants ou petits entrepreneurs, souffrent eux aussi des reports de cérémonies et craignent une «année blanche», sans aucun revenu.
Si le gouvernement n’a pas encore annoncé si les mariages et autres événements pourraient se tenir cet été, la plupart des mariés ont déjà pris la décision de reporter les festivités. Selon un sondage réalisé par Mariages.net auprès de 2.700 futurs mariés, 49% des sondés souhaiteraient pouvoir célébrer leur union pendant la deuxième partie de l’année 2020, en automne. Les autres (51%) ont souhaité reporter leur mariage à l’année prochaine.
C’est notamment le cas d’Adalaïs et son conjoint, dont la cérémonie devait avoir lieu en juillet dans le sud de la France. «Après la première allocution du Président de la République, on a commencé à se poser des questions et à réfléchir à ce qu’on allait faire.» Avec une liste d’invités de près de 300 personnes, le couple a rapidement pris la décision de reporter d’un an, ne souhaitant pas que leurs proches prennent des risques.
Adalaïs prépare ce mariage dans les moindres détails depuis près de trois ans, et il était important pour elle de garder les prestataires qu’elle avait déjà sollicités pour l’année prochaine : «heureusement, ils étaient tous disponibles. On a toutefois reprogrammé le mariage un jour de semaine, car il y a finalement peu de week-ends de disponibles sur la période estivale, et les mariés privilégient en général les samedis.»
les entrepreneurs en difficulté
L’annulation de tous les mariages d’ici au mois de septembre représente une véritable inquiétude pour les professionnels du secteur, composé pour la majeure partie de TPE, PME et indépendants, qui travaillent de manière saisonnière : la plupart des cérémonies ont lieu aux beaux jours, du mois de mai aux mois de septembre ou octobre. Baptiste, photographe de mariage professionnel basé à Bordeaux, travaille en moyenne sur une quinzaine de dates sur cette période. «Il ne me reste plus que cinq mariages cette année. Les autres ont été décalés à l’année prochaine ou annulés. Ça représente une immense perte sèche pour l’année 2020», explique-t-il.
Comme tous les autres petits entrepreneurs et indépendants, Baptiste a pu bénéficier du premier volet du Fonds de solidarité mis en place par le gouvernement, qui lui a permis de toucher 1.500 euros pour le mois d’avril, et également du report de paiement de ses charges. Il reste cependant inquiet, car ne sait pas si ces aides seront prolongées au-delà du mois de mai. «Notre travail est saisonnier, et nous partons vers une année blanche, sans revenu. Il faut que le gouvernement nous soutienne jusqu’à ce que l’on puisse reprendre notre activité normalement.»
Et si l’année 2021 s’annonce chargée pour les prestataires, ils peuvent malheureusement être confrontés à un autre problème : le télescopage des dates. En effet, leur agenda 2021 était pour la plupart déjà bien rempli, et il faut ajouter en catastrophe les mariages prévus au départ en 2020. Baptiste a par exemple perdu une réservation, étant déjà pris sur un autre mariage à la date choisie par le couple. Les prestataires risquent ainsi de perdre des réservations.
des métiers peu reconnus
Le secteur du mariage, dont les métiers sont parfois très nouveaux, est souvent rattaché à celui de l’événementiel. Mais pour Églantine, wedding planner, le secteur souffre d’un manque de reconnaissance : «le marché du mariage représente 3,2 milliards d’euros par an, mais nous ne sommes toujours pas reconnus. On nous demande souvent si c’est notre vrai métier.»
Les métiers du mariage ne possèdent pas de code APE (pour Activité principale exercée, code qui permet d’identifier la branche d’activité d’une entreprise ou d’un indépendant, NDLR) spécifique, et ces professions ne sont pas clairement identifiées aux yeux de l’État. D'autant que certains prestataires ne sont pas uniquement spécialisés dans le mariage mais travaillent aussi pour d’autres types d’événements, renforçant ainsi le flou autour de la détermination de l'activité de ces entrepreneurs.
Face à l'absence de syndicat propre, les associations prennent le pas pour solliciter le gouvernement. L’Assocem (Association des Consultants en Mariage) a envoyé une lettre au Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, le 14 avril dernier pour l’alerter sur la situation des professionnels du mariage : «Quelle entreprise peut vivre deux années avec le chiffre d’affaires d’une seule ? Bien sûr, aucune assurance ne couvre ce genre d’annulation et de perte de chiffre d’affaires. Nos entreprises sont donc mises à rude épreuve tant au niveau de leur trésorerie que de leur moral.» L'association demande donc un soutien financier de la part de l'État pour ces entrepreneurs en difficulté.
Pour continuer de réfléchir à des problématiques et pour tenter d’interpeler le gouvernement, Mathieu Sanchez, photographe de mariage à Perpignan, a créé un groupe de réflexion avec d’autres professionnels du mariage et de l’événementiel de la région. Ils organisent depuis plusieurs semaines des réunions hebdomadaires avec Sébastien Cazenove, député La République en Marche de la 4ème circonscription des Pyrénées-Orientales.
Beaucoup d’interrogations perdurent quant aux aides du gouvernement, notamment sur les taux d’intérêts de l’option d’amortissement des prêts garantis par l’État et du second volet du Fonds de solidarité pour les entreprises. Ce dernier permet aux TPE les plus touchées de percevoir une aide complémentaire de 2.000 à 5.000 euros, mais certains prestataires en difficulté ne peuvent la percevoir, «en raison du nombre élevé de critères», précise M. Cazenove dans une question au gouvernement. Le député demande donc des précisions au ministre de l’Économie quant à l’amélioration et à la prolongation des aides déjà existantes pour les professionnels du secteur. Dans un communiqué publié le 24 avril, le ministère annonce notamment travailler sur un fonds d'investissements pour différents secteurs, dont celui de l'événementiel.
Les prestataires attendent aussi des annonces claires quant à la tenue ou non des événements : les mariages prévus en juin et jusqu'à septembre pourront-il avoir lieu ? Les rassemblements de plus de 100 personnes seront-ils autorisés ? La distanciation physique d'au moins un mètre devra-t-elle être respectée, et le port du masque obligatoire ? Tant de questions qui restent en suspens, mais dont les réponses permettront aux professionnels et aux futurs mariés de s'organiser pour les cérémonies à venir.