Enfermés depuis six semaines, les enfants espagnols ont pu enfin sortir dimanche grâce à l'assouplissement d'un des plus stricts confinements au monde, imposé le 14 mars quand l'épidémie éclatait au grand jour en Espagne.
A pied, en trottinette, en tricycle ou en poussette, souvent masqués, et toujours accompagnés d'un de leurs parents, ils ont égayé de leurs cris les rues restées longtemps silencieuses.
«Je me suis bien amusé», a raconté Ricardo Lopez, 6 ans, après une sortie à Madrid avec sa petite soeur Victoria, 3 ans, et sa maman. «Nous avons joué à cache-cache, on a fait la course. Nous avons trouvé une coccinelle qui s'était perdue, et on l'a mise au milieu des fourmis».
«Pour eux c'est presque comme une excursion. C'est ce qu'ils ont eu de plus distrayant depuis un mois», dit leur papa Miguel Lopez, 40 ans, qui travaille de chez lui pour une agence de publicité dans le quartier de Peñagrande, au nord-ouest de Madrid.
«Ils n'ont pas dormi la nuit dernière. Ils étaient très nerveux», a raconté Diana Pineda, une bibliothécaire de 43 ans, sortie dans le quartier de La Latina, au cœur de Madrid, avec son fils de cinq ans et sa fille de huit ans, qui avait pris sa corde à sauter.
Sautillant à ses côtés, les enfants, tous deux masqués, assurent qu'ils n'ont pas peur de sortir malgré la pandémie.
«Ils savent très bien qu'ils ne peuvent toucher à rien, a assuré Diana. Nous les adultes avons plus peur qu'eux».
Comme pour la première fois
Inmaculada Paredes est sortie pendant une heure dans le quartier madrilène de Monte Carmelo avec ses garçons, Alvaro, sept ans, et Javier quatre ans.
«Il n'y avait pas trop de monde, on a croisé pas mal d'enfants et presque encore plus de chiens, dit cette ingénieure de 47 ans. Les enfants regardaient les fleurs et les fourmis comme si c'était la première fois».
Pour les moins de 14 ans, les sorties sont désormais autorisées une heure par jour, entre 09H00 et 21H00, dans un rayon d'un kilomètre autour du domicile, accompagné d'un seul parent. Et chaque parent ne peut sortir qu'avec trois enfants maximum.
Contrairement aux autres États européens, l'Espagne, troisième pays le plus endeuillé du monde par la maladie derrière le États-Unis et l'Italie avec près de 23.000 morts, avait interdit aux enfants de sortir dès le début du confinement général à mi-mars.
Le pays venait alors d'enregistrer 63 morts mais le virus y circulait déjà depuis des semaines, selon les experts. L'Espagne compte aujourd'hui plus de 200.000 cas confirmés, plus que tout autre pays d'Europe.
Mais claquemurer les enfants était une mesure de plus en plus critiquée, de nombreux spécialistes soulignant les risques pour leur santé physique et mentale.
L'annonce de cet assouplissement la semaine dernière a pourtant été un fiasco pour le gouvernement.
Il n'avait d'abord autorisé les enfants qu'à accompagner un adulte dans leurs rares sorties autorisées, comme aller au supermarché ou à la pharmacie. Mais devant l'avalanche de critiques, il a fait volte-face en quelques heures et autorisé les promenades.
«Bon sens»
«Tout notre bon sens nous dit que c'est sûr pour les enfants», a commenté Inmaculada Paredes. «Si moi je peux aller dans un supermarché, qui est un endroit fermé, faire une promenade, c'est plus sûr».
Pour elle comme pour Miguel Lopez, cet allègement aurait pu venir plus tôt mais ils disent comprendre la prudence des autorités.
«Beaucoup se sont montrés terriblement irresponsables», a estimé Miguel. «Ceux qui sont partis pour leur maison de campagne malgré tous les avertissements auraient envahi les plages et les parcs si on avait laissé sortir les enfants plus tôt».
«Je pense que la mesure aurait dû arriver peut-être un peu plus tôt mais c'est vrai que les Espagnols et les madrilènes n'ont pas été les meilleurs élèves», a reconnu Inmaculada.
Les plus de 14 ans sont traités comme les adultes, qui ne peuvent sortir que pour les faire les courses indispensables ou promener le chien. A partir du 2 mai, ils pourront comme eux se promener ou faire du sport.
Le confinement a été prolongé jusqu'au 9 mai inclus. Le gouvernement prévoit de l'alléger ensuite par étapes et selon les régions.