28% des maires sortants ne se sont pas représentés lors du scrutin municipal de 2020 selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Pourtant, à cause de la crise sanitaire, le second tour des élections n’a pas eu lieu, les conseils municipaux des listes élues lors du premier tour n’ont pas pu s’installer, et les «futurs-ex maires» sont toujours là. Bon gré mal gré, ils jouent les prolongations.
Quand nous tentons de joindre Véronique Coté-Millard, maire (UDI) des Clayes-sous-Bois, une ville de 18.000 habitants des Yvelines, l’édile tient son téléphone d’une main et le volant de sa voiture de l’autre, pour se garer. «Je suis en train de livrer des masques», explique-t-elle. Une mission qu’Emmanuel Macron, lors de son discours du 13 avril, a délégué aux maires des 36 000 communes françaises. «En trouver me prend 50% de la journée», calcule l’élue locale. «Il appartient à l’Etat de fournir les masques et aux communes d’en assurer la distribution», estime de son côté Maurice Weiss, maire (PRG) de la commune de Saint-Agrève en Ardèche, qui avait, lui aussi, décidé de raccrocher en mars dernier.
Trouver des masques, ou du matériel de protection, une tâche chronophage des maires depuis la mise en place du confinement le 17 mars, mais loin d'être la seule. Les autres, en vrac : organiser l’accueil des enfants du personnel soignant, prendre contacts avec les personnes isolées, assurer une continuité des services publics, garantir le ramassage des ordures quand l’entreprise dédiée est défaillante, aider les commerces en difficulté, préparer le déconfinement… Alors les journées s’étirent. «Je ne touche pas terre», disent les uns, «il faut toujours être sur la brèche», assurent les autres.
Une épreuve particulière, d'autant plus quand le rab de mandat n’était pas prévu. Lorsqu'il a su qu’il repartait au minimum pour deux mois, Maurice Weiss s’est senti «surpris et déçu». Mais pas question d’abandonner le navire pour autant. «On m’a toujours qualifié comme un homme de mission et donc la mission continue, différemment», dit simplement Jean-Paul Bertho, maire (PS) de Baud (Morbihan), qui devra donc attendre avant de profiter de son camping-car, de son petit bateau et de ses petits-enfants.
«Tous les jours il y a un problème»
Grâce à leur expérience, tous s’estiment mieux armés pour gérer ce moment exceptionnel. «Larguer des élus qui n'ont aucune expérience élective dans cette situation serait irresponsable de la part de l’Etat», juge Nathalie Delcouderc-Juillard, maire (PS) de Bort-les-Orgues (Corrèze), 3.000 habitants. C’est pourtant le cas de la liste qui va lui succéder, élue au premier tour, comme dans plus de 30.000 communes en France. Le gouvernement et les élus souhaitent l’installation de ces conseils municipaux fin mai ou début juin.
En attendant, le sentiment général oscille entre volonté d’en finir le plus vite possible et responsabilité sanitaire. Notamment car de nombreux élus estiment avoir été contaminés lors du premier tour des élections municipales. Véronique Coté-Millard en fait partie. Alors, elle juge peu probable l’organisation en juin du second tour dont sa commune a besoin, persuadée que les conditions sanitaires ne seront pas réunies pour que «la démocratie s’exerce dans une certaine sérénité». Pourtant elle assure qu'«il y a un nouveau problème tous les jours», alors elle les prend «comme ils viennent». A chaque jour suffit sa peine.
Les cinq maires interrogés avaient mûrement réfléchi la décision de ne pas se représenter. Maurice Weiss, qui confie l’avoir prise «dès 2014», «n’oubliera pas la fin de son mandat». Quatre avaient pris leur fonction en 2001. Entre ces maires et leur mairie, l’amour aura donc duré (presque) vingt ans.