Il faudra continuer à télétravailler «pendant encore des semaines» car les transports en commun ne pourront pas repartir à 100% au moment du déconfinement si l'on veut assurer la sécurité sanitaire des voyageurs, a notamment expliqué à l'AFP la présidente d'Ile-de-France Mobilités et de la région, Valérie Pécresse.
Comment imaginez-vous la reprise du trafic lors du déconfinement, le 11 mai ?
Valérie Pécresse : L'Ile-de-France a une particularité, c'est que nous avons 5 millions de personnes qui en temps normal utilisent les transports en commun tous les jours. On n'imagine pas que dès le 11 mai, les transports vont redémarrer à 100%. Et même s'ils redémarraient à 100%, on ne peut pas imaginer faire circuler les Franciliens dans les mêmes conditions qu'à la normale.
Il va falloir qu'on continue à télétravailler massivement, pendant encore des semaines après la fin du confinement. Parce qu'il faut éviter que l'on surutilise nos transports en commun, il faut qu'il y ait beaucoup moins que les 5 millions de passagers habituels.
La SNCF et la RATP proposent 50% du trafic le 11 mai. Je leur ai demandé de faire davantage sur les lignes les plus saturées. Je pense au RER A, au RER B, au RER D, au tramway 1, à la ligne 13 (du métro), à la ligne 1...
Toutes ces lignes qui traversent des territoires populaires dans lesquels les habitants n'ont pas forcément des postes télétravaillables. On le voit notamment dans les bus de Seine-Saint-Denis, on a besoin de renfort parce que les habitants doivent se déplacer pour aller travailler.
Le rythme de reprise des transports dépendra aussi du rythme de reprise des écoles. Les opérateurs, RATP, SNCF, Optile (pour les bus en grande couronne) ont un fort taux d'absentéisme de leurs agents aujourd'hui, près de 40%, parce qu'une bonne partie de ces agents gardent des enfants.
Les voyageurs devront-ils porter un masque?
J'ai demandé au gouvernement qu'on rende le port du masque obligatoire dans les transports en commun au moment du déconfinement. Il faut absolument assurer la sécurité sanitaire des personnes qu'on va transporter.
Aujourd'hui, on est à 500.000 personnes dans les transports en commun là où on en transporte d'habitude 5 millions. On est à moins de 10% des voyageurs. Si le 11 mai reviennent ne serait-ce que 30%, ça fera trois fois plus de monde qu'aujourd'hui. Or, déjà sur certaines lignes, les voyageurs s'inquiètent des distances, de la proximité, etc.
Si on veut rétablir la confiance des voyageurs dans les transports en commun, il faut absolument mettre en place des mesures de gestion des flux.
Ce sera complexe et ça passe par le masque obligatoire, avec verbalisation. Les Français ont de l'autodiscipline et du civisme, mais néanmoins ça va mieux avec un peu de contrôle.
Par ailleurs, il faut aussi que les opérateurs se lancent dans des politiques de nettoyage et de désinfection, sans commune mesure avec ce qu'ils font d'habitude.
J'ai demandé aussi que toutes les boutiques des gares et des stations puissent vendre des masques et du gel.
Quelles alternatives au télétravail ou aux transports publics ?
Les Franciliens vont reprendre leur voiture, mais je pense aussi, compte tenu de la saison, que le vélo, qui a prouvé son efficacité pendant la grève (de décembre et janvier contre la réforme des retraites, ndlr), peut aussi faire l'objet d'une utilisation renforcée, et constituer une alternative aux transports en commun au moment du déconfinement.
Avant la grève, il y avait environ 400.000 utilisateurs du vélo par jour pour aller au travail. Je pense qu'on peut se fixer un objectif très ambitieux, mais à mes yeux atteignable - parce qu'on est au printemps, parce qu'il fait beau -, de doubler le nombre de personnes à vélo, et donc de passer de 400.000 à 800.000 post-confinement.
Pour atteindre cet objectif, il va falloir lancer un travail important (...) pour pouvoir sécuriser les pistes cyclables. La région est prête à dessiner des pistes cyclables provisoires sur certains axes, en accord avec les villes, les intercommunalités et les départements. On peut rééquilibrer les flux, en tous cas pendant la période estivale.