Après un début de polémique autour de la gestion des cercueils dans un hall du marché de Rungis, le ministre de l'Intérieur a demandé jeudi un «contrôle» des tarifications demandées aux familles endeuillées.
«Il me semble anormal que les contraintes liées à la situation de confinement et à des mortalités massives soient imputées financièrement aux familles», a déclaré jeudi Christophe Castaner devant la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'épidémie de covid-19.
Soulignant que «la morgue de Rungis (était) gérée par un opérateur privé», il a expliqué qu'en découvrant «les tarifs» pratiqués par celui-ci, il avait «demandé un contrôle».
Face à la polémique, le ministère de l'Intérieur a annoncé jeudi soir dans un communiqué que, «compte tenu de la situation sanitaire exceptionnelle actuelle», l'Etat «prendra en charge les frais supplémentaires occasionnés par les délais d'inhumation».
Le communiqué confirme par ailleurs qu'une mission va être diligentée «pour s'assurer du caractère strictement conforme à la réglementation des prestations facturées par l'opérateur privé».
Un hall du marché de gros de Rungis, dans le Val-de-Marne, a été réquisitionné début avril par le préfet de police pour recevoir les cercueils des victimes du coronavirus. Sa gestion a été déléguée à un opérateur funéraire, OGF.
Celui-ci prévoit un «forfait de 6 jours» à 159 euros pour «l'admission et le séjour en condition de conservation du cercueil fermé et scellé», selon un document que s'est procuré l'AFP.
Le délai légal de six jours pour inhumer un défunt étant souvent dépassé pour cause de surmortalité dûe au coronavirus, «la journée supplémentaire est facturée 35 euros», selon ce même document.
Un espace de recueillement est à la disposition des familles, au prix de 55 euros pour «une heure maximum», est-il précisé.
Indignation
«Le passage du cercueil à Rungis est payant pour les familles. Et ça, ce n'est pas acceptable», a déclaré mercredi soir sur BFM Sandrine Thiefine, présidente des pompes funèbres de France, déclenchant la polémique.
«Le nouveau monde d'aujourd'hui c'est donc ça: on meurt tout seul sans une main amie et la famille paie le frigo pour récupérer ses morts? Ça suffit! On peut confiner nos corps mais pas notre humanité!», a tweeté le chef de file de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Le nouveau monde d'aujourd'hui c'est donc ça : on meurt tout seul sans une main amie et la famille paie le frigo pour récupérer ses morts ? Ça suffit ! On peut confiner nos corps mais pas notre humanité !
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 9, 2020
Eric Ciotti, député Les Républicains, a dénoncé aussi sur Twitter «l'indignité absolue et sans limites, faire payer la conservation d'un corps en plus d'une mort dans une solitude complète et d'obsèques a minima. Jusqu'où ira l'inhumanité? Cette crise révèle parfois et malheureusement le pire».
L'indignité absolue et sans limites, faire payer la conservation d'un corps en plus d'une mort dans une solitude complète et d'obsèques à minima.
Jusqu'ou ira l'inhumanité ? Cette crise révèle parfois et malheureusement le pire#Coronavirus #Covid19 https://t.co/haWlHpSGm4— Eric Ciotti (@ECiotti) April 9, 2020
Le député RN Bruno Bilde a demandé, dans une question écrite à Christophe Castaner, «comment le préfet de police de Paris peut justifier ces règles indécentes» et ce que «compte faire le gouvernement pour mettre fin à ce marché de la honte».
✒ « Business de la mort au marché de #Rungis : que compte faire le gouvernement pour mettre fin à ce marché de la honte et garantir à nos compatriotes des conditions de recueillement respectueuses de leur souffrance ? »
Ma question écrite @CCastaner ⤵️https://t.co/MlNDeFrYGn— Bruno Bilde (@BrunoBilde) April 9, 2020
«Un bâtiment excentré et isolé du marché de Rungis a été réquisitionné», a réagi jeudi sur Twitter le Marché de Rungis, «les familles endeuillées y accèdent gratuitement. Notre rôle s'arrête ici. Nos pensées vont aux familles».
La gestion du lieu a été confiée à OGF, concurrent de Mme Thiefine, selon une source proche du dossier.
«Les tarifs sont ceux qui se pratiquent dans les funérariums», selon cette source. Une trentaine de cercueils y ont été reçus le week-end dernier, selon cette même source.
«DES TARIFS PAS SI ÉLEVÉS»
«Si les corps n'étaient pas déposés à Rungis, ils seraient transférés dans un funérarium», a expliqué à l'AFP Camille Strozecki des Pompes funèbres 1887 qui a déposé deux cercueils à Rungis.
«Pour un décès classique, une semaine en funérarium à Paris coûte environ 750 euros. Les tarifs appliqués à Rungis ne sont donc pas si élevés», selon lui.
«En ce moment, le délai est plutôt de 10 jours que 6 de jours pour l'organisation des funérailles» confirme-t-il, et actuellement un «changement dans la législation allonge le délai pour organiser les funérailles à 21 jours au lieu des 6 jours ouvrés habituels».
La société OGF, contactée par l'AFP, n'avait pas encore réagi.