Avec une écharpe, un masque de nuit ou un vieux t-shirt recyclé... Les habitants de Sceaux rivalisaient d'ingéniosité mercredi pour respecter l'obligation de sortir le visage couvert dans les rues de cette commune d'Ile-de-France, où la mesure faisait globalement consensus.
«Je trouve qu'ils auraient dû faire ça dès le départ, que le masque soit artisanal ou pas». Kamlesh Patel décharge un camion devant son restaurant Pizza Hut, un épais masque noir sur le visage. «Je l'ai commandé sur internet. C'est un truc pour l'hiver, pour la moto, il fait chaud c'est vrai mais bon ça va», relativise le restaurateur.
Depuis mercredi, tout déplacement dans l'espace public à Sceaux (Hauts-de-Seine) est conditionné au port d'une protection couvrant le nez et la bouche pour toute personne de plus de 10 ans.
C'est le maire UDI Philippe Laurent qui a pris cette décision par un arrêté. L'avis de l'académie de médecine du 2 avril, recommandant le port d'une protection nasale et buccale pour les sorties en extérieur, a achevé de le motiver.
Et puis «un peu partout en France, le relâchement a été net sur le confinement», déplore-t-il. «Ces derniers jours, beaucoup de gens se sont croisés sans protection, sans respecter les distances, donc il fallait prendre des mesures», ajoute le maire.
Lui arbore un masque artisanal rayé bleu et blanc qui mange la moitié de son visage de manière un peu anarchique. Il explique en avoir fabriqué six ou sept avec «de vieux t-shirts et des bouts d'élastique». «Quand je vais rentrer, je vais enlever la feuille de sopalin qui est à l'intérieur, et puis on lavera le masque à 60 degrés», ajoute Philippe Laurent.
Dans les rues de cette commune aisée située au sud de Paris, les consignes du maire son respectées. La plupart des passants arborent une protection, parfois surprenante, sur le visage.
Masques de fortune
Certains ont opté pour la visière en plastique, d'autres pour le mouchoir en papier coincé dans un élastique. Les amateurs de couture se sont confectionnés des protections motif petit coeur ou poisson. Rares sont les gens à porter un véritable masque chirurgical.
«Imposer le port du masque c'est bien et c'est utile, à condition d'en avoir», relativise Marie-Hélène, qui ne prend même pas la peine de relever son écharpe sur son nez. «Est-ce qu'un foulard peut bloquer le virus ? Pas sûr», dit-elle sceptique.
Marie-Annick, venue récupérer sa commande de courses sur la place du marché, a décidé de se nouer un foulard autour du nez, même si «c'est complètement inutile. C'est simplement pour ne pas avoir une amende».
Chaque contrevenant risque de payer 38 euros. Dans les faits, le maire admet que le but n'est pas de mettre des amendes. Il insiste sur «le caractère pédagogique» de la mesure. «Lorsque le port du masque sera obligatoire, parce que ça viendra probablement, l'habitude aura été prise de se protéger», explique Philippe Laurent.
La Ligue des droits de l'homme (LDH) a malgré tout saisi la justice pour suspendre l'arrêté, jugé liberticide. Ce recours en référé sera examiné jeudi par un juge du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Dans une rue commerçante, un joggeur trottine, le visage transpirant. Il est le seul à ne pas porter de masque car «pour faire du sport, c'est pas très pratique», mais il approuve la mesure.
Pour l'instant, il se hâte de rentrer chez lui. Il est 9h57 et dans trois minutes, les activités sportives individuelles en extérieur seront interdites jusqu'à 19h, comme l'a décidé la préfecture des Hauts-de-Seine à l'image de Paris et de plusieurs départements franciliens.