Jeunes, vieux, en bonne santé apparente pour certains, plus fragiles pour d'autres: face au coronavirus, une longue file s'étirait lundi devant l'IHU Méditerranée Infection, pôle d'expertise marseillais sur les maladies infectieuses, pour se faire tester par les équipes du professeur Raoult.
Dans ces locaux ultramodernes, au sein de l'hôpital de La Timone, tout le monde est accueilli. Pas question d'appliquer les consignes nationales réservant ces tests aux personnels médicaux et aux personnes fragiles. Certains sont là depuis 7 heures du matin, comme ce quadragénaire de Marseille venu «pour être tranquille».
«Pour le test c'est très rapide, une touillette dans le nez et c'est fini! On sera contacté dans 48 heures par téléphone si on est positif»: Gilbert Salomone, 49 ans, vient de se faire dépister, avec sa femme et sa fille. Et il ne lui reste plus qu'à attendre le verdict, même s'il reconnaît qu'il «n'était pas inquiet»: «J'avais quelques maux de tête légers, rien de plus».
Comme lui, la plupart des gens venus attendre, dans le silence, sont masqués. En milieu de matinée, ils étaient environ 300, selon un journaliste de l'AFP. La plupart ne semblent pas présenter de signes graves. A la différence de ce septuagénaire qui s'effondre soudain, avant d'être secouru puis transporté à l'intérieur du bâtiment sur un fauteuil roulant.
Louise Serrano, 20 ans, attend elle aussi depuis plus de deux heures, accompagnée par son père. Venue de Cassis, à une vingtaine de kilomètres de Marseille, elle a de la fièvre, les bronches qui brûlent, de la toux, mais ce n'est pas pour elle qu'elle s'inquiète.
«Mon oncle est malade, ma mère aussi, ils ont plus de risque de mourir que nous», explique la jeune femme, étudiante en BTS de biologie médicale.
«Il est fou ce Raoult»
Aux grilles du bâtiment, une banderole a été accrochée par un anonyme, rendant notamment «hommage au dr Razafindranazy», ce médecin de Compiègne (Oise) décédé de ce nouveau coronavirus qui a mis la planète à l'arrêt: «Soutien à la famille, soutien au professeur Raoult, aux personnels soignants et ambulanciers», poursuit ce texte en grosses lettres rouges sur fond blanc.
Directeur de l'IHU Méditerranée Infection, Didier Raoult est à l'origine de cette foule hétéroclite sur les marches de son établissement. Depuis plusieurs semaines déjà, il s'est prononcé en faveur d'une politique massive de tests.
Et il a récidivé dimanche, dans un communiqué cosigné avec cinq autres professeurs et médecins de cet institut hospitalo-universitaire dédié aux maladies infectieuses et tropicales: «Conformément au serment d'Hippocrate que nous avons prêté, (...) nous avons décidé, pour tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d'infection à Covid-19».
Talia Abad, 20 ans, n'a pas de fièvre, mais elle vient pour se rassurer et pour «protéger (sa) famille»: «Je n'ai pas de symptômes flagrants, mais j'ai entendu dire qu'il y avait beaucoup plus de cas qu'on le pensait», explique-t-elle. Bonnet sur la tête, masque sur le visage, elle est arrivée à 7H30 et elle attendait encore son tour vers 10 heures du matin.
Derrière elle, des dizaines d'autres personnes sont arrivées. La file s'étire le long du boulevard Sakakini, qui longe La Timone. Les distances de sécurité sont globalement respectées. Et le calme règne, parfois percé par quelques éclats de voix, comme quand un homme tente de gruger et de s'incruster dans la file, en expliquant que sa femme est enceinte.
Mais cette foule ne fait pas plaisir à tout le monde. Et notamment pas à ce médecin sortant de la Timone après une longue nuit de service: «Il est fou ce Raoult, tous ces gens devraient être chez eux!»