Premier week-end printanier sous tension: les autorités françaises sont déterminées samedi à faire respecter le confinement imposé pour freiner une épidémie de coronavirus qui a déjà tué 450 personnes dans le pays, le jugeant insuffisamment respecté.
Les restrictions décrétées pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus seront appliquées «de façon plus stricte encore», a prévenu le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, avec des contrôles dans les gares (seulement 15% des trains grandes lignes circuleront) et les aéroports. Des amendes forfaitaires de 135 euros seront dressées en cas de «violation des interdictions de se déplacer hors de son domicile».
Des personnes déjà verbalisées pour sorties non justifiées ont ainsi été placées en garde à vue pour «mise en danger de la vie d'autrui».
Le dispositif de l'opération Sentinelle de lutte contre le terrorisme va «monter en puissance» dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, a également déclaré vendredi M. Castaner.
Hors de question de revoir les scènes du week-end précédent, avec l'affluence dans les rues piétonnes, les parcs, les forêts. Déjà, les fermetures de lieux emblématiques se sont multipliées, des quais de Seine à Paris à la promenade des Anglais à Nice, où un couvre-feu sera imposé dans les tout prochains jours, selon l'entourage du maire.
«Ne partez pas en week-end», insistait vendredi le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Alors que l’épidémie pèse lourdement sur les services de santé, «vous risquez de transporter sans le savoir le virus des grandes villes vers les campagnes» ou d'arriver «dans une zone où il n'y a pas forcément d'infrastructures sanitaires capables de prendre en charge beaucoup de malades».
«On attend la vague»
La prolongation du confinement, décrété jusqu'à fin mars, «n'a pas été actée», selon Christophe Castaner. Mais tout laisse penser qu'elle le sera tôt ou tard, comme en Italie, qui enregistre le plus de décès au monde (plus de 4.000, devant la Chine).
Le confinement pourra cesser «quand le virus ne circulera plus», a jugé Olivier Véran, le ministre de la Santé, estimant le nombre de malades en France à 20.000. La majorité d'entre eux ne sont pas testés, donc pas détectés.
L'épidémie avait causé vendredi la mort de 450 patients (78 supplémentaires en 24 heures) et entraîné l'hospitalisation de 5.226 malades, dont près de 1.300 en réanimation, selon le ministère de la Santé. Près de 1.600 patients ont quitté les hôpitaux, guéris.
«La moitié des patients en réanimation ont moins de 60 ans», a rappelé Jérôme Salomon, qui a prévenu, en écho à l'Organisation mondiale de la santé, que l'épidémie touche aussi des «adultes jeunes».
La région Nouvelle-Aquitaine devient la septième région la plus touchée – après le Grand Est, la Corse, l'Ile-de-France, les Hauts-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône Alpes.
«Face à l'urgence et à l'ampleur de l'épidémie», notamment en Ile-de-France, les hôpitaux de Paris (AP-HP) lancent un appel pressant aux «professionnels médicaux et paramédicaux disponibles dans les semaines à venir pour renforcer les équipes de ses 39 hôpitaux.»
«On attend la vague de patients graves en espérant que ce ne sera pas un tsunami», écrit le Dr Laurent Thines, neurologue du CHU de Besançon dans Mediapart.
«Anosmie»
Outre la mise en place imminente d'un hôpital militaire près de Mulhouse (Haut-Rhin), la marine nationale va évacuer ce week-end des patients de Corse vers le continent.
Le Pr Salomon a pour sa part évoqué «une recrudescence des cas d'anosmie», signalée par les ORL en lien avec le virus. Il s'agit d'une «disparition brutale de l'odorat sans obstruction nasale et qui peut survenir de façon isolée», qui nécessite d'appeler son médecin traitant pour éviter toute automédication.
Sur le sujet sensible des masques, alloués en priorité aux soignants mais que de nombreuses professions au contact du public réclament, le gouvernement a reconnu des «difficultés logistiques». Un collectif de personnalités, dont l'épidémiologiste Catherine Hill, appelle le gouvernement à «organiser la production de masques» et à «tester et isoler les personnes contaminées».
«Apéros aux fenêtres»
Le Parlement a adopté définitivement vendredi le volet financier des mesures d'urgence face au coronavirus, mais les débats se sont éternisés à l'Assemblée sur l'autre texte permettant d'instaurer un état d'urgence sanitaire, repoussant son adoption au week-end.
Combiné au projet de loi d'urgence voté en première lecture au Sénat et qui sera examiné samedi par l'Assemblée nationale, le texte prévoit 45 milliards d'euros pour aider les entreprises en difficulté et de financer le chômage partiel des salariés.
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a appelé les entreprises à verser une prime défiscalisée à leurs salariés, notamment à ceux qui «ont eu le courage de se rendre sur leur lieu de travail» dans les secteurs essentiels.
La France s'emploie par ailleurs à organiser le retour d'environ 130.000 ressortissants bloqués à l'étranger, en général pour des vacances.
Après les désormais traditionnels applaudissements qui résonnent à 20 heures partout en France pour remercier le personnel soignant, des Français ont organisé un apéro à leurs fenêtres pour «combattre la routine» de l'isolement.