Après avoir annoncé vendredi 13 mars la fermeture des écoles à cause de l'épidémie de coronavirus, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a demandé aux professeurs et aux élèves de continuer la vie pédagogique en ligne.
Problème, à cause du trop grand nombre de connexions sur les outils mis en ligne par le gouvernement, les ENT (Espaces numériques de travail), qui doivent servir de ressources aux élèves, sont, pour certains, inaccessibles.
Pour continuer à faire cours, certains enseignants choisissent de migrer sur le logiciel informel Discord. «C’est un élève qui m’en a donné l’idée et qui a organisé la mise en place», explique Philippe Watrelot, professeur de SES au lycée Jean-Baptiste Corot, à Savigny-sur-Orge.
Discord est un site où l’on peut discuter oralement (ou à l’écrit) avec d’autres personnes après inscription. Facile à prendre en main, il est utilisé notamment par les fans de jeux vidéos en ligne qui souhaitent échanger pendant leurs parties.
Sur Discord, les élèves et le professeur se retrouvent sur un «serveur», soit une conversation privée.
«Sur les 35 élèves de la classe, entre 3 et 5 connaissaient Discord»
L’enseignant peut guider de vive voix ses élèves en leur fournissant le support du cours (diaporama par exemple) par mail. Cet outil suppose de la part des élèves une prise en main rapide d'un logiciel qu’ils ne maîtrisaient pas, pour la plupart. «Sur les 35 élèves de la classe, entre 3 et 5 connaissaient Discord», estime à la louche Emma, une des élèves de Philippe Watrelot, qui a néanmoins rapidement compris comment il fonctionnait.
Mais selon les témoignages de ces élèves de terminal, inquiets car ils passent leur BAC à la fin de l'année, ce logiciel n'est pas l'idéal pour apprendre. Rebecca regrette que «contrairement aux cours physiques, le prof ne peut pas répondre individuellement aux questions des élèves». Une certaine cacophonie peut également règner sur la plateforme, car tout le monde a la possibilité de parler en même temps.
Anais n'apprécie pas le logiciel mais elle est obligée de composer avec : «comme je suis déléguée, j'ai proposé à mon professeur principal que l'on fasse le conseil de classe sur Discord». Sans succès.
Ces cours à distance requièrent une bonne dose d'autonomie de la part des élèves. «Les élèves déjà en rupture avec l’école, on va les perdre totalement», s’inquiète Philippe Watrelot. Et ils sont difficilement concevables avec les écoliers du primaire.
DANS le top des applications les plus téléchargées
Preuve que l'utilisation de Discord n'est pas un épiphénomène, depuis lundi, il apparait dans les classements des applications les plus téléchargées sur les plateformes.
Contacté, Discord nous a transmis ces chiffres : «en France, les inscriptions ont pratiquement doublé depuis le mois dernier, et quadruplé depuis la semaine dernière». L'entreprise américaine compte bien accompagner ces nouveaux usages. Elle vient de développer des serveurs adaptés à la pratique des professeurs, et a publié une note de blog pour leur expliquer comment faire cours sur la plateforme.
Les développeurs du site s’étaient préparés à voir arriver un afflux massif de nouveaux utilisateurs comme on peut le lire sur ce message d'information lié au coronavirus publié sur Twitter le 11 mars. «Nous savons que bon nombre d’entre vous dans le monde utilisent Discord pour rester en contact, que ce soit pour suivre les cours ou travailler à la maison».
An update from us regarding COVID-19: pic.twitter.com/gKUXvvsqrs
— Discord (@discordapp) March 11, 2020
Certains professeurs restent hermétiques à Discord, dont certaines fonctionnalités sont payantes. «Certains de mes collègues refusent de les utiliser car elles sont marchandes», expliquent Philippe Watrelot. Lui préfère être plus positif : «le métier d’enseignant est en train de se réinventer. C’est super intéressant».