Un nouveau système «universel» par points, avec un «âge d'équilibre», ou «âge pivot», c'est selon, mais dans tous les cas très controversé : quels sont les contours de la réforme des retraites, dans la version modifiée sur laquelle le gouvernement a engagé le 49.3, qui va être adoptée ce mardi 3 mars ?
Le texte a tout d'abord été enrichi de 180 amendements issus des oppositions comme de la majorité, et des discussions avec les partenaires sociaux, au sujet notamment des pensions de réversion pour les divorcés ou des bonifications pour les mères. Décryptage.
Un même système «pour tous»
Le futur système couvrira «l'ensemble des personnes travaillant en France, sans exception» : salariés du privé et des régimes spéciaux, fonctionnaires, magistrats, militaires, agriculteurs, ou encore travailleurs indépendants sont donc tous concernés.
Tous les actifs nés à partir de 1975 cotiseront à une nouvelle «Caisse nationale de retraite universelle» qui chapeautera les 42 régimes existants avant - peut-être - de les absorber.
Des «points» à accumuler
Le montant de la retraite dépendra du nombre de points accumulés «tout au long de la carrière professionnelle» et non plus de la durée de cotisation (en trimestres) et du salaire de référence (25 meilleures années dans le privé, 6 derniers mois dans le public).
Le point aura une «valeur d'acquisition» (durant la carrière) et une «valeur de service» (pour le calcul de la pension), qui ne pourront pas baisser, ni augmenter moins vite que l'inflation.
La valeur du point sera calculée à l'aide d'un «nouvel indicateur» de l'Insee sur «l'évolution du revenu moyen d'activité par tête».
Un âge «d'équilibre»
L'âge légal de départ restera maintenu à 62 ans (ou moins pour certaines professions), mais il faudra «travailler un peu plus longtemps» pour toucher une retraite à taux plein.
Un «âge d'équilibre», ou «âge pivot» sera instauré, assorti d'un «mécanisme de bonus-malus» de 5 % par an. Dans un premier temps, le gouvernement envisageait son entrée en vigueur dès 2022, pour le porter progressivement à 64 ans en 2027.
Face à l'opposition des syndicats, cette mesure a été retirée, une «conférence des financeurs» devant proposer d'ici à la fin du mois d'avril d'autres moyens «d'atteindre l'équilibre financier».
Deux syndicats, opposés à la réforme, ont déjà claqué la porte de cette conférence : il s'agit de FO et de la CGT.
Une pénibilité en débat
Les discussions avec les partenaires sociaux n'ont pas encore abouti.
Le gouvernement prévoit toutefois dans le texte de généraliser la visite médicale à 55 ans pour les travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité, et veut améliorer les modalités d'acquisition des points.
Un congé de formation-reconversion de six mois, avec maintien du salaire à 100 %, sera également mis en place pour les actifs aux carrières pénibles.
Quid des Enseignants ?
La hausse de salaire des enseignants, censée leur garantir des pensions équivalentes à la situation actuelle, est actée symboliquement et devra être concrétisée dans une loi de programmation.
Qu'en est-il des avocats et indépendants ?
Pour répondre notamment à la grogne des avocats, le texte prévoit un abattement de 30 % sur l'assiette des cotisations sociales des professions indépendantes, et un «dispositif de solidarité» pour soutenir les «petits cabinets».
Et la période de transition pour les indépendants a été allongée de 15 à 20 ans.
Départs anticipés
Les fonctionnaires exerçant certaines «fonctions régaliennes» (policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) pourront toujours partir en retraite à 57, voire 52 ans. Idem pour les militaires, qui garderont le droit à une pension après 17 ou 27 années de «services effectifs».
Pour les autres fonctionnaires des «catégories actives» et les salariés des régimes spéciaux, l'âge légal sera progressivement relevé à 62 ans, mais l'extension du «compte pénibilité» et de la retraite pour incapacité permanente permettra à certains de cesser le travail à 60 ans.
Les égoutiers recrutés avant 2022 pourront continuer à partir à 52 ans, en vertu d'un amendement communiste retenu.
Dans la fonction publique hospitalière, les infirmières en catégorie B pourront continuer à partir à 57 ans.
Fins de carrière
La retraite progressive, permettant de toucher une partie de sa pension en continuant de travailler à temps partiel, sera accessible à partir de 60 ans (contre 62 ans dans le projet initial) et étendue aux fonctionnaires dès 2022.
Les travailleurs handicapés pourront y prétendre dès 55 ans.
Un nouveau dispositif d'épargne-temps permettra aux fonctionnaires de diminuer leur travail hebdomadaire en fin de carrière.
Une pension minimum
Les futurs retraités «ayant effectué une carrière complète» recevront si nécessaire «des points supplémentaires» afin que leur pension atteigne 1.000 euros net en 2022, puis 83 % du Smic net en 2023, 84 % en 2024 et 85 % en 2025.
Droits familiaux
Chaque enfant donnera droit à une majoration de pension «en points de 5 %», dont la moitié sera automatiquement attribuée à la mère.
Un bonus supplémentaire de 2 % sera accordé pour le troisième enfant et réparti à parts égales entre père et mère, à moins qu'ils en décident autrement.
Les parents isolés obtiendront des points supplémentaires et les femmes aux faibles revenus une garantie minimale de points.
Droits conjugaux
La pension de réversion garantira au conjoint survivant, à partir de 55 ans et après au moins deux ans de mariage, «70 % des points de retraite acquis par le couple».
Les personnes divorcées pourront finalement bénéficier d'un pourcentage de pension de réversion de leurs ex-conjoints décédés.
Transition «à l'italienne»
Annoncé mi-février par le gouvernement, ce procédé doit garantir, pour les actifs nés après 1975, le maintien de 100 % des droits acquis avant 2025 et la bascule dans le régime universel.
Au départ en retraite, les pensions seront calculées, pour la première partie de carrière, sur la base la plus favorable possible (25 meilleures années dans le privé, six derniers mois dans le public).
Epargne retraite
Un article controversé sur l'épargne retraite a été supprimé, alors que l'opposition y voyait une incitation à la capitalisation.