Suspendu dans la foulée de son ouverture lundi, le procès de l'ex-Premier ministre François Fillon et de son épouse Penelope dans l'affaire des soupçons d'emplois fictifs de Mme Fillon démarre pour de bon mercredi à Paris avec l'examen de points de procédure.
Ce procès très attendu, dans lequel les époux Fillon et l'ancien suppléant de François Fillon à l'Assemblée, Marc Joulaud, encourent dix ans de prison et de lourdes amendes, avait été reporté de 48 heures quelques minutes après son ouverture lundi.
Le tribunal correctionnel avait fait droit à une demande de renvoi de la défense, qui sollicitait ce report en soutien à la grève des avocats contre la réforme de leur régime autonome de retraite.
Mercredi après-midi, l'audience doit débuter par l'examen de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par la défense des trois prévenus.
L'une sera plaidée par l'avocat de François Fillon, l'autre par celui de Penelope Fillon, et le tribunal devra y répondre avant d'examiner le fond du dossier.
Si le tribunal décidait de renvoyer l'une de ces QPC à la Cour de cassation, le procès serait renvoyé dans l'attente de la décision de la haute juridiction. Sinon, il faudra vraisemblablement attendre jeudi pour aborder le premier volet de l'affaire: l'emploi d'assistante parlementaire dont a bénéficié Penelope Fillon auprès de son époux.
Lui en costume sombre, visage fermé, elle en tailleur noir, cheveux mi-longs blancs et lunettes, François et Penelope Fillon, 65 et 64 ans, étaient arrivés lundi sous une nuée de caméras.
Le candidat de la droite à la présidentielle de 2017 avait quitté la politique sur un échec humiliant au soir du premier tour, après une campagne présidentielle pulvérisée par cette affaire.
Fillon assure avoir des «preuves»
Reconverti dans la finance, il assure que «les preuves» de la réalité du travail de son épouse, qui fut sa «première et plus importante collaboratrice» dans la Sarthe, «seront apportées».
La justice s'était saisie le jour même des premières révélations d'une longue série, le 25 janvier 2017 dans le Canard enchaîné.
Les juges d'instruction, après plus de deux ans d'enquête, ont acquis la conviction que Penelope Fillon a bénéficié d'emplois «fictifs» d'assistante parlementaire de son mari député et de son suppléant dans la Sarthe, Marc Joulaud.
Une partie des accusations de détournement de fonds publics, complicité ou recel, qui remontent à 1981, sont prescrites. Sur la seule période 1998-2013, plus d'un million d'euros d'argent public ont été «détournés», estiment les enquêteurs.
La pratique des emplois familiaux, interdite dans le sillage du «Penelopegate», était alors légale et répandue. Mais les enquêteurs lancés sur la piste des emplois de Mme Fillon n'ont guère trouvé de témoignages ou d'archives démontrant la réalité de ses activités d'assistante parlementaire.
Ils n'ont pas davantage été convaincus par les nombreuses pièces versées par la défense afin d'attester du travail accompli, ni par les arguments invoquant la «discrétion» de Penelope Fillon ou son travail essentiellement oral.
La défense, qui plaidera la relaxe, a cité comme témoins trois collaborateurs de longue date de François Fillon, dont la secrétaire qui le suit depuis ses débuts en politique en 1981.
Les Fillon sont également poursuivis pour recel et complicité d'abus de biens sociaux, pour l'emploi de «conseiller littéraire» obtenu par Mme Fillon à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière, ami de François Fillon, payé 135.000 euros entre 2012 et 2013.
Un emploi «de pure complaisance, sans contrepartie réelle» selon l'accusation, pour lequel le milliardaire a été condamné pour abus de biens sociaux au terme d'une procédure distincte de «plaider-coupable».
Ils se voient aussi reprocher des «emplois de complaisance» accordés à deux de leurs enfants lorsque François Fillon était sénateur, et M. Fillon la non-déclaration d'un prêt de M. Lacharrière.
Seule partie civile au procès, l'Assemblée nationale demande plus d'un million d'euros de dommages et intérêts si le tribunal considérait que les emplois sont fictifs.
Le procès est prévu jusqu'au 11 mars.