La multiplication de nouveaux cas de coronavirus hors de Chine conforte le cri d'alarme de l'OMS sur le risque de propagation de l'épidémie, estiment dimanche des experts, en appelant à renforcer la vigilance.
«L'épidémie de Covid-19 a connu un profond tournant ces dernières 48 heures. L'OMS et ses États membres doivent maintenant réfléchir à passer d'une stratégie d'endiguement à une stratégie d'atténuation, c'est à dire la réduction des impacts négatifs de la poursuite de la transmission» du virus, estime le professeur Devi Sridhar, responsable du programme de Gouvernance sanitaire à la faculté de médecine d'Édimbourg (Grande-Bretagne).
Vendredi, le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus avait déjà tiré la sonnette d'alarme : «Au moment où nous parlons, nous sommes encore dans une phase où il est possible de contenir l'épidémie.» Mais la «fenêtre de tir se rétréci».
En cause notamment la multiplication de cas hors du berceau de l'épidémie en Chine «sans lien épidémiologique clair, tels que les antécédents de voyage ou les contacts avec un cas confirmé».
Des foyers sont ainsi apparus ou se sont développés rapidement ces derniers jours en Corée du Sud, en Iran - particulièrement meurtrier avec 8 décès pour 43 cas répertoriés dimanche - ou en Italie, où près de 150 cas de coronavirus ont été enregistrés en quelques jours et 11 villes placées en quarantaine. Dans ce pays, le plus touché en Europe, trois personnes sont mortes.
«N'importe où dans le monde»
«C'est ce qu'on appelle le passage en transmission communautaire», explique le professeur Arnaud Fontanet, chef de l'unité «épidémiologie des maladies émergentes» à l'institut Pasteur (France). «Ça rend le contrôle beaucoup plus difficile et ça laisse présager un risque d'introduction à partir d'autre foyers que la Chine.»
C'est ainsi que des cas signalés au Liban et au Canada auraient le foyer iranien pour origine. Quant au foyer infectieux autochtone en Italie, les scientifiques peinent à identifier le processus de contamination du «patient 1» à l'origine de la propagation.
«Ce qui se passe en Italie et en Corée du Sud pourrait se passer n'importe où dans le monde», prévient le professeur Sridhar.
Le docteur Nathalie MacDermott, du King's College de Londres, évoque également des développements «très préoccupants», notamment la difficulté à identifier un individu à l'origine des derniers foyers épidémiques.
«Ceci laisse supposer une transmission par un individu asymptomatique, ou présentant peu de symptômes», estime la spécialiste, qui juge «impératif que les autres pays prennent ces situations en compte et renforcent leur surveillance des personnes en provenance de régions affectées qu'elles présentent ou non des symptômes» et s'attachent à contenir les foyers d'infection autochtone.
«Je pense que c'est une nouvelle phase» dans l'extension du Covid-19, explique Eric D'Ortenzio, épidémiologiste à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) français.
Ce spécialiste pointe lui aussi l'apparition dans les nouveaux pays touchés de «chaînes de transmissions à partir de cas non détectés», même s'il nuance, en l'attente de données précises sur le sujet, le rôle de «drivers» épidémique des cas asymptomatiques.
Mais pour lui aussi les conséquences à tirer sont claires : «Il doit y avoir une vigilance qui augmente, il faut que les autorités renforcent la surveillance», que ce soit sur les cas autochtones ou les possibles importation depuis des foyers épidémiques.