Après des premiers débats parfois chahutés, l'Assemblée nationale va se plonger mardi dans les milliers d'amendements des oppositions au projet de réforme des retraites, lors d'une deuxième journée qui s'annonce encore agitée.
La séance des questions au gouvernement à 15h devrait donner lieu à de nouvelles passes d'armes.
Parallèlement au travail de l'Assemblée, les partenaires sociaux démarrent mardi matin la «conférence de financement» chargée de trouver des solutions pour ramener à l'équilibre le système de retraite d'ici à 2027.
Après les questions au gouvernement, les députés se lanceront dans l'examen des premiers amendements d'un texte que les «marcheurs» présentent comme une «refondation sociale» pour un système de retraites par points «universel» et «juste», mais que l'opposition rejette en bloc, avec une avalanche d'amendements des Insoumis et des communistes.
En creux, la question se pose déjà de l'utilisation du «49-3», cette arme de la Constitution qui permet au gouvernement d'abréger les débats et de faire adopter un projet de loi sans vote.
Car la majorité table toujours sur une adoption en première lecture avant les municipales du 15 et 22 mars, et sur un feu vert définitif «d'ici l'été».
Or, sans 49-3, ce calendrier semble "intenable" compte tenu des quelque 41.000 amendements au programme.
«Le président (de l'Assemblée Richard) Ferrand a calculé que ca ferait 365 jours à raison de dix heures par jour. Ce n'est pas très réaliste, même si nous enjambions ou mordions sur la trêve des municipales, nous n'y arriverions pas», a souri lundi soir Gilles Le Gendre, le chef de file des députés LREM.
Mais «il se peut aussi que nos oppositions fassent preuve d'un esprit de responsabilité», glisse-t-il, en assurant que la «volonté unanime du gouvernement et de la majorité reste d'éviter» un 49-3.
Même si certains marcheurs n'excluent plus cette hypothèse «si le débat est impossible».
«Iceberg»
La majorité accuse les députés insoumis et communistes de «refuser le débat» et de se «tranformer en robots d'une organisation tayloriste d'obstruction», selon la formule du secrétaire d'Etat aux retraites Laurent Pietraszewski lundi.
En face, selon le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, cette réforme est «la plus terrible régression sociale de toute la Ve République».
«M. Hollande ne s'est jamais remis de la loi El Khomri, M. Macron ne se remettra jamais de sa tentative de destruction du droit à la retraite, il ne s'en remettra jamais», lance-t-il.
Droite comme gauche dénoncent un «mépris» du Parlement et un projet «nébuleux» et «à trous», avec notamment la trentaine d'ordonnances programmées.
Les trois groupes de gauche - PS, PCF et LFI - tablent en plus des amendements (près de 37.000 à eux trois) sur une motion de censure à une date qui reste à déterminer.
Ils ont aussi tenté en vain lundi une «motion référendaire», qui sert à demander au président de la République un référendum. Initiée par les communistes, elle a été rejetée par 160 voix contre 70. Autant de «manoeuvres dilatoires» pour le gouvernement.
A droite, le groupe LR entend incarner «une troisième voie» et n'a de cesse de dénoncer «l'absence totale de visibilité sur le financement».
Le texte est un «iceberg où l'essentiel est immergé sous la surface de la mer», selon l'ancien ministre du Budget et président de la commission des Finances Eric Woerth, qui a écrit au Premier ministre pour obtenir «documents et données factuels» sur le financement de la réforme.
Dans la majorité malgré quelques interrogations en interne, on veut faire aboutir cette réforme «de progrès social», «contre vents d'obstruction et marées d'amendements».
Selon le patron des députés MoDem Patrick Mignola c'est «une réforme socialement de gauche et économiquement de droite, une vraie réforme du 'en même temps'» macronien et «un nouveau contrat social pour les Français».
Ministres et élus LREM citent aussi volontiers l'ancien Premier ministre Michel Rocard et son livre blanc sur les retraites (1991), une «référence» selon la députée de Gironde Catherine Fabre.
Le titulaire du perchoir Richard Ferrand a prévu de présider une bonne part des séances pour tenir les débats. Il a commencé à donner de la voix lundi, même si les discussions sont restées globalement courtoises.
«Arrêtez de crier vous, vous êtes pénible», a-t-il dit à un député un peu agité, ou encore, à l'ensemble de l'hémicycle : «ne commencez pas, vous aurez des heures, des jours et des nuits pour vous ébrouer dans la démocratie».