Engagés dans une lutte fratricide pour la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, candidat officiel de LREM, et Cédric Villani, entré en dissidence, s'affrontent désormais aussi sur le terrain du ferroviaire, avec des projets différents pour l'avenir des gares du Nord et de l'Est.
Distantes de quelques centaines de mètres seulement dans le nord-est de Paris, ces grandes gares deviennent un nouveau sujet de discorde entre les deux marcheurs qui ont échoué jusque-là à s'entendre pour tenter de détrôner la maire Anne Hidalgo. Tous deux insistent sur la nécessité de désengorger la capitale et de mettre le paquet sur l'écologie, ainsi que de l'importance d'associer davantage la banlieue et la région Ile-de-France dans leurs décisions. Mais voilà, les deux candidats ne sont pas d'accord sur le choix de la gare.
Benjamin Griveaux propose de déménager la gare de l'Est aux portes de la capitale ou en banlieue, par exemple porte de la Villette, libérant ainsi 30 hectares pour créer un «Central Park parisien», dans un entretien au Journal du Dimanche. «Si elle disposait de ces 30 hectares, Anne Hidalgo bétonnerait sans doute. Moi, je ne construirai pas : j'y planterai une forêt», assure le candidat LREM Griveaux au JDD, dénonçant la «politique B&B, bitume et béton» de la maire PS sortante.
Nous allons aménager l’Ile aux Cygnes dans le 15e arrondissement, réaménager la Petite Ceinture et déménager la Gare de l’Est.
Résultat : nous offrirons 70 hectares d’arbres en pleine terre aux Parisiens C’est 9 fois le Parc Monceau ! pic.twitter.com/LF7NirHxdu— Benjamin Griveaux (@BGriveaux) January 26, 2020
Quelques heures avant la publication de l'entretien, Cédric Villani a dégainé sa propre proposition : déplacer le trafic des Eurostar et Thalys, qui desservent notamment Londres et Bruxelles, de la gare du Nord à Saint-Denis Pleyel (93). Cette dernière doit devenir la plus grande gare du Grand Paris Express d'ici 2030, ce qui permettra, selon le marcheur dissident, «d'assurer le développement économique de la Seine-Saint-Denis», département le plus pauvre de la France métropolitaine.
Le projet #GareDuNord doit être revu en profondeur. Pour désengorger cette gare et son quartier, fidèle à mon ambition pour le Grand Paris, je propose que le trafic international (Eurostar/Thalys) arrive à la nouvelle gare St-Denis Pleyel, à 13‘ de La Défense et 17’ de Châtelet. https://t.co/vCuAqlpcnm
— Cédric Villani (@VillaniCedric) January 25, 2020
«La gare de l'Est n'est pas le sujet prioritaire. La question est de savoir comment on allège le flux qui arrive à la gare du Nord», concernée par un projet controversé de rénovation et d'agrandissement, fait valoir Cédric Villani. Pire, si son projet à lui s'avérait trop difficile à réaliser, son équipe plaide pour «déménager Eurostar à Gare de l'Est», celle que son rival cherche justement à déplacer.
Des projets critiqués de toutes parts
Adjoint d'Anne Hidalgo en charge de l'Urbanisme, Jean-Louis Missika compte les points. Et se montre sévère avec l'ancien porte-parole du gouvernement : «le projet de la gare de l'Est avait été proposé au moment de l'atelier du Grand Paris lancé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Cette proposition a plus de dix ans d'âge».
Une référence à la proposition de l’architecte Christian de Portzamparc, en mars 2009, de créer à Aubervilliers (93) une grande «gare Europe Nord», afin d'accueillir le trafic grandes lignes et les trains internationaux à la fois de la gare de l’Est et de la gare du Nord. Son idée était ainsi de développer «une gare moderne» et «un quartier d’affaires» à l’«échelle européenne», connectés à Paris et à Roissy. Les bâtiments des gares du Nord et de l'Est auraient été conservés pour «en faire des lieux de loisirs, culture, commerces extraordinaires», tandis que les rails auraient été remplacés par un parc «bordé d’un magnifique front bâti résidentiel».
Jean-Louis Missika se veut toutefois un peu plus accommodant avec le projet du mathématicien dissident : «L'idée que l'Eurostar ait un terminal à Pleyel, c'est intéressant, et nous l'avons déjà dit, ajoute-t-il. Mais dans les deux cas, ça ne peut pas être le ou la maire de Paris qui prend une décision comme celle de déménager une gare. Cela relève de la SNCF et du ministère des Transports.»
Hors de l'Ile-de-France, Jean Rottner, président LR de la région Grand Est, tacle lui aussi la proposition de Benjamin Griveaux :
.@BGriveaux a du trop jouer au #Monopoly dans son enfance.
Pénaliser de la sorte l’Est de l’@iledefrance et la @regiongrandest en faisant du greenwashing à outrance démontre une X de + cette belle capacité à être loin de tout. Des parisiens. Des enjeux régionaux et nationaux https://t.co/fBYXB7o2D5— Jean ROTTNER (@JeanROTTNER) January 26, 2020
Par ailleurs, il faut savoir que la gare de l'Est est classée au titre des monuments historiques, depuis 1984, ce qui rendrait quasi-impossible des travaux sur le bâtiment. D'autre part, elle est l'une des deux seules gares de Paris (avec Saint-Lazare) à accueillir majoritairement des voyageurs franciliens.
Comme la gare de l'Est est une des gares les plus utilisées pour les déplacements quotidiens des Franciliens (source Driea Idf), @BGriveaux propose de leur compliquer encore plus leurs conditions de transport. pic.twitter.com/IRJQIU2yta
— Isabelle Sénécal (@IsaSenecal) January 26, 2020