Portée par un sondage flatteur à deux mois des municipales, Rachida Dati prend la main sur la campagne LR à Paris en imposant sa ligne ancrée à droite, quitte à mettre sur la touche ceux qui renâclent à la soutenir, comme le maire LR du 15e en a fait les frais ce mercredi 22 janvier.
Les Républicains ont finalement tranché sur le casse-tête que posait depuis des semaines cet arrondissement stratégique en investissant Agnès Evren, présidente de la fédération régionale de LR, face au maire sortant, Philippe Goujon, baron de la droite parisienne mais qui refusait de soutenir Rachida Dati.
La décision, prise à la «quasi unanimité à deux voix près» [deux élus de l'arrondissement, Jean-François Lamour et Pierre Charon, ndlr], ne vise pas à constituer une liste «contre tel ou tel», a assuré le président de LR Christian Jacob. Mais «je souhaite que, comme dans tous les autres arrondissements, l'électeur parisien qui a envie de voter pour LR et pour Rachida Dati ait la possibilité de le faire», a-t-il ajouté.
«Un procès en sorcellerie»
Philippe Goujon a immédiatement déploré cette décision. «Je suis victime d'un procès en sorcellerie» alors que «je suis fidèle à mon parti depuis toujours», a affirmé l'élu, maire du XVe depuis 2008 et adhérent du RPR de la première heure.
Mais Philippe Goujon, conscient qu'il peut ratisser plus large que le seul vivier LR, a toujours refusé de se lier les mains. «Je soutiendrai le candidat le mieux placé pour permettre l'alternance», a répété mercredi l'ancien président de la fédération LR de Paris. Cependant «aucun candidat ne peut gagner seul. LR n'a pas d'alliés, pas de réserves. On peut toujours claironner qu'on est à 22% au deuxième tour, ça ne suffit pas pour gagner», a-t-il assuré.
Philippe Goujon faisait allusion à un sondage Ifop plaçant Rachida Dati (19%) derrière la maire sortante Anne Hidalgo (25%) au premier tour, et pour la première fois devant le candidat LREM Benjamin Griveaux (15%).
«Chance historique»
«Sans stratégie de rassemblement on laisse l'équipe municipale en place», a averti Philippe Goujon, qui se fait fort de parler à tous à droite, d'Edouard Balladur qui lui a apporté son soutien dimanche («un excellent maire») à Xavier Bertrand avec qui il a ostensiblement pris un café ce mercredi matin.
Cet automne, Philippe Goujon s'était même affiché sur un tract avec le député Agir (ex-LR) Pierre-Yves Bournazel, lui-même candidat à la mairie de Paris. Ce dernier a depuis fait alliance avec Benjamin Griveaux mais «je ne l'ai pas suivi et je ne le suivrai pas», a assuré Philippe Goujon.
Cette décision fait ainsi grincer des dents à droite, notamment chez Alexandra Dublanche, vice-présidente de la région Ile-de-France :
La #droite la plus bête du monde est de retour: #LR investit un candidat #LR face au maire sortant #LR
Sans parler du fait que la candidate investie a peut être oublié qui lui a donné sa chance en premier pour devenir élue...
Madame Hidalgo vous remercie pour ce beau cadeau... https://t.co/P7DgAt6qX7— Alexandra Dublanche (@ADublanche) January 22, 2020
Du côté de Rachida Dati, on assure que «depuis plusieurs semaines une dynamique s'est créée» autour de la candidate LR, «seule force d'alternance crédible à l'équipe sortante». «On a une chance historique de gagner Paris», affirmait le 16 janvier la candidate qui a articulé son programme sur des thématiques – sécurité, propreté, familles, logement... – familières à droite, et qui séduisent sans doute une part de l'électorat de Benjmain Griveaux.
Sa percée, qui réactive le clivage droite/ gauche mis en sourdine avec l'ascension des candidats LREM, fait aussi rêver une droite nostalgique de l'époque, avant 2001, où elle régnait sur l'Hôtel de Ville. «Son projet est plutôt bien accueilli» et «nous donne des espoirs raisonnables», s'est félicité mardi Christian Jacob.
Pour entretenir sa dynamique, la candidate LR a lancé mercredi une «opération exceptionnelle de mobilisation» sur les réseaux sociaux. Côté têtes de listes, Rachida Dati peut compter avec Agnès Evren sur une candidate qui l'avait rejointe «dès le début de la campagne». Elle a aussi fini mercredi de constituer ses troupes, avec dans le 16e l'avocat Francis Szpiner et dans le 11e sa directrice de campagne, Nelly Garnier.
Dans le 11e, le candidat initialement désigné, François Demas, s'est retiré pour «des raisons de santé». Avec ce changement de casting il n'y a désormais plus aucune tête de liste issue des rangs de Libres!, le mouvement de Valérie Pécresse. Aucun accord n'a en effet été trouvé entre elle et Rachida Dati.