Alors qu'elle était attendue pour ce mercredi 15 janvier, la désignation de la tête des listes des Républicains dans le 15e, arrondissement clef pour les municipales à Paris, a finalement été reportée, faute d'accord. Car à l'image de ce qu'il se passe à l'échelle de la capitale, la situation est floue.
Le CV du prétendant est déjà une surprise : le maire (LR) sortant, Philippe Goujon, fait figure d'ovni à l'heure du «nouveau monde». Cet élu de 65 ans est en effet conseiller de Paris depuis 1983, maire de l'arrondissement depuis 2008, et incarne l'un des derniers barons de la droite dans la capitale.
Mais, sentant le vent tourner à la suite des déroutes successives des Républicains depuis 2017, cet ancien proche de François Fillon a annoncé sa candidature à sa succession sans étiquette partisane pour les municipales de mars. Jouant solo, Philippe Goujon s'est plutôt affiché aux côtés de personnes extérieures aux Républicains.
La menace d'un candidat LR concurrent
Il a ainsi rejoint Pierre-Yves Bournazel (ex-LR macron-compatible) en juin 2019 lorsque ce dernier a créé un groupe dissident au conseil de Paris. Ce week-end, Valérie Pécresse est venue à l'inauguration de son QG de campagne, alors qu'un accord entre la présidente de l'Ile-de-France (ex-LR, Libres !) et Rachida Dati a été enterré. La semaine dernière, il a même été question d'un rapprochement avec Cédric Villani, le candidat LREM dissident.
Inauguration de ma nouvelle permanence de campagne à #Paris15 !
Merci chère @vpecresse pour ta présence et ton soutien : je suis fier de compter une femme de convictions et d’engagement comme toi à mes côtés. #Passionnément15e pic.twitter.com/U7b1ehiHAk— Philippe Goujon (@Philippe_Goujon) January 11, 2020
Autant dire qu'un soutien officiel à Philippe Goujon était loin d'être d'une évidence aux yeux de Rachida Dati, qui envisageait au contraire d'investir un autre candidat LR face à lui (en l'occurence François Digard, président de Sens Commun Paris). Une déclaration de guerre qui aurait encore contribué à l'explosion de la droite dans la capitale et grandement mis en péril les chances de sa candidate.
Mais ça, c'était avant. Avant que LREM, en difficulté dans cette campagne parisienne, ne décide de sortir l'artillerie lourde en soutien à Benjamin Griveaux ces derniers jours. Car après la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa qui s'est lancée la semaine dernière à l'assaut dans le 14e arrondissement, c'est la ministre de la Santé elle-même, Agnès Buzyn, qui pourrait bien débarquer dans le 15e.
Ce poids lourd de la politique nationale menacerait ainsi de submerger la barque que menait jusqu'à présent Philippe Goujon, qui le faisait voguer tranquillement vers une réelection. Avec un rapport de force inversé, le maire sortant aurait alors tout intérêt à se tourner vers son parti pour obtenir un appui devenu soudain indispensable. Ce retournement de situation contenterait également Rachida Dati, car elle pourrait ainsi s'appuyer sur les bonnes chances de Philippe Goujon.
Pas suffisant néanmoins pour un happy end et une désignation officielle ce mercredi 15 janvier par la Commission nationale d'investiture LR. «Rachida Dati n’a jamais tourné le dos à aucun des maires sortant. Elle a maintenu le dialogue, moyennant des garanties pour un soutien à sa campagne et à son élection comme maire de Paris», tempère Nelly Garnier, la directrice de campagne de la candidate LR, ce mardi 14 janvier.
De son côté, Philippe Goujon sait que tous ses électeurs potentiels n'appartiennent pas à la droite et rechigne – en attendant la concrétisation de l'hypothèse Buzyn ? – à s'engager pleinement avec Les Républicains. «Je soutiendrai le candidat le mieux placé pour changer de maire et de ligne politique», assure-t-il.
Un arrondissement faiseur de rois ou de reines ?
Il faut dire que le 15e arrondissement est l'une des clefs de l'élection. Il est en effet le plus peuplé de la capitale et donc celui qui fournit le plus grand nombre (18 sur 163) de conseillers municipaux, ceux-là même qui désignent en réalité le maire de Paris dans ce scrutin indirect. Dans un contexte où l'éclatement du paysage politique fait que chaque voix va être très précieuse, le 15e arrondissement pourrait donc faire office de faiseur de rois ou de reines.
«Si on me fait perdre dans le 15e, on perd Paris», avait récemment prévenu Philippe Goujon dans Le Figaro. Il n'est pas impossible que l'inverse soit aussi vrai.