Le Centre national du livre a recommandé au ministre de la Culture de supprimer l'allocation annuelle dont bénéficie l'écrivain Gabriel Matzneff qui fait l'objet d'une enquête pour viols sur mineurs, a indiqué son président au journal L'Opinion.
Vincent Monadé souligne avoir préconisé jeudi au ministre Franck Riester de supprimer cette allocation de l'établissement public que l'écrivain, mis en cause dans le livre de Vanessa Springora «Le Consentement» paru jeudi, perçoit depuis 2002.
Il s’agit d’une aide sociale accordée à des auteurs vieillissants ayant de faibles revenus. Quinze écrivains âgés de 72 à 96 ans en bénéficient actuellement, précise M. Monadé dans l'entretien mis en ligne vendredi sur le site de L'Opinion.
Contacté par l'AFP, le ministère a indiqué que M. Riester se prononcerait la semaine prochaine. Gabriel Matzneff, 83 ans, a touché depuis 2002 un total 160.000 euros selon le Journal du Dimanche.
Contacté par l'AFP, le CNL affirme ne pas pouvoir donner de chiffre. Selon son dernier bilan, le montant annuel de l'aide par bénéficiaire se situait en 2018 à un peu plus de 8.000 euros. M. Monadé affirme à L'Opinion que M. Matzneff touche «aujourd’hui moins que cela».
Le président du CNL révèle qu'en 2002, Gabriel Matzneff s'est vu refuser une demande pour une bourse d'écriture car les écrivains retraités n'y avaient pas droit.
L'auteur a alors «remué ciel et terre pour faire pression sur le CNL, du président du CNL Jean-Sébastien Dupuis au ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, en passant par Christophe Girard (aujourd'hui adjoint à la maire de Paris en charge de la Culture, ndlr) et d’autres, des personnalités importantes, membres de l'Académie française ou prix Goncourt, qui sont intervenus en sa faveur».
«Au final, la pression a été telle qu’il a obtenu cette allocation», indique M. Monadé.
Il précise que le CNL ne demande pas que l'allocation soit retirée aux 14 autres écrivains concernés et rappelle que «cette allocation étant fermée à toute nouvelle demande, elle disparaîtra d’elle-même».
L'affaire Gabriel Matzneff a pris vendredi une tournure judiciaire avec l'ouverture d'une enquête préliminaire pour «viols» contre l'écrivain, 24 heures après la sortie du livre accusateur de Vanessa Springora.
Elle est la première à témoigner parmi les enfants et adolescents séduits par l'auteur, longtemps célébré par le milieu littéraire et récompensé par le prix Renaudot essai en 2013 en dépit du fait qu'il faisait dans ses ouvrages l'apologie des relations sexuelles avec les mineurs.
«Violer un enfant de 12 ans est le même crime, qu’il ait été commis en 1968 ou en 2019», estime la députée LREM Aurore Bergé dans une tribune dans le JDD, estimant que «notre société a encore un sujet avec les agressions sexuelles».
«Dénier aux enfants des années 1970 d’avoir été des victimes, c’est justement effacer le crime et ses conséquences traumatiques», poursuit la députée, pour qui il faut se placer "du côté du droit".
Si l'art peut «tout tenter, dire, décrire», «l’artiste ne peut se cacher derrière son art pour échapper à ses responsabilités de justiciable», insiste Aurore Bergé, qui cite comme autre exemple le réalisateur Roman Polanski.