A la fin de l’année 1995, six mois après l’élection de Jacques Chirac et la nomination au poste de Premier ministre d’Alain Juppé, la France a connu une paralysie totale durant trois semaines de grève. Un épisode qui a fortement marqué le pays, et dont on fait référence à chaque mobilisation sociale d’ampleur, comme celle prévue à partir du jeudi 5 décembre.
un plan pour la sécurité sociale qui ne passe pas
Tout démarre le 15 novembre 1995. Alain Juppé, le Premier ministre de l’époque, monte à l’estrade de l’Assemblée nationale pour présenter un vaste plan (très vite baptisé «plan Juppé») qui doit réformer la Sécurité sociale pour en finir avec son déficit chronique. Dans le détail, celui-ci comprend un allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires de 37,5 à 40 ans (pour l’aligner sur le secteur privé), l’imposition des allocations familiales, ainsi qu'une baisse du remboursement des frais d’hospitalisation et de certains médicaments. Au même moment s’ajoute un projet de restructuration de la SNCF, avec la fermeture des lignes et gares non-rentables. La colère des cheminots rejoint alors celle de la fonction publique et l’embrasement se produit.
la France s'arrête
Les manifestations se multiplient à partir du 24 novembre. La quasi-totalité des syndicats défilent ensemble (à l’exception de la CFDT), les étudiants et les lycéens se joignent au mouvement et la SNCF démarre une grève générale et reconductible. EDF-GDF, ainsi que la RATP rejoignent le mouvement.
Si Alain Juppé se dit prêt à rester «droit dans ses bottes», il doit faire face, à partir du 1er décembre, à l’arrivée dans la grève de France Télécom, tandis qu’à La Poste, la majorité des centres de tri ne fonctionnent plus. Côté transports, plus aucun train ni métro ne circule, et seulement 5 % des bus roulent encore. La France entière bascule dans la paralysie, d’autant que sur les routes, des bouchons gigantesques se forment matins et soirs.
deux millions de français dans la rue
Malgré un début de recul d’Alain Juppé et la mise en place de moyens de transport pour tenter de briser le bloquage des villes (à Paris, les bateaux-mouches deviennent gratuits pour transporter les usagers et des bus privés sont perquisitionnés), les manifestations ne s’arrêtent pas et continuent même de grossir chaque semaine.
Le 12 décembre, plus de deux millions de personnes défilent dans toute la France, dans 270 cortèges différents, selon les organisateurs (un million de participants selon les autorités). Dans les sondages, plutôt qu’exprimer leur ras-le-bol face à la situation, près de 60% des Français soutiennent le mouvement.
le gouvernement obligé de reculer
Le 15 décembre, le gouvernement annonce que le «plan Juppé» ne touchera finalement pas aux retraites. La fonction publique est épargnée, ainsi que les régimes spéciaux. Le même jour, le patron de la SNCF, Jean Bergougnoux, démissionne. Malgré les appels de certains syndicats pour continuer le mouvement, la grève s’essouffle et les transports reprennent progressivement. Le 30 décembre, une loi est votée, permettant au gouvernement de faire passer la réforme, qui ne comprend plus qu’une petite partie du volet Sécurité sociale, par ordonnance.