A l'appel de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA) du Grand Bassin parisien, plusieurs dizaines de tracteurs doivent converger, ce mercredi 27 novembre, aux portes de Paris. Une opération de grande ampleur pour un monde paysan en crise, venu crier son «ras-le-bol» au gouvernement, mais aussi à la ville.
Attendue dès 6 heures aux principales entrées de la capitale, cette mobilisation se place dans la continuité de deux actions syndicales nationales menées le mois dernier, et au cours desquelles les agriculteurs s'étaient déjà réunis partout en France pour alerter sur leur situation économique et dénoncer l'action politique en cours.
Cette fois encore, la FNSEA et les JA manifesteront ainsi «pour demander aux distributeurs et industriels de permettre le retour à un revenu décent pour les agriculteurs, et à l’Etat de transformer ses promesses en actes concrets», comme l'ont fait savoir les deux organisations syndicales.
Une loi Alimentation qui ne tient pas ses promesses
Dans leur viseur, figure notamment la loi EGalim, issue des Etats généraux de l'alimentation. Votée en octobre 2018 et entrée en vigueur le 1er février dernier, celle-ci interdit aux distributeurs de vendre des produits sans aucune marge comme ils l'ont souvent fait auparavant, dans le but d'attirer des clients.
Une fois encore, MOBILISONS-NOUS le mercredi 27 novembre 2019 sur tout le territoire, pour maintenir la pression afin de confirmer les avancées obtenues, faire baisser les charges et monter les prix ! @JeunesAgri @JeromeDespey https://t.co/1yzLvlI5NB
— La FNSEA (@FNSEA) November 21, 2019
A la place, le gouvernement a instauré une marge forcément égale ou supérieure à 10 % sur les produits alimentaires, l'idée étant qu'avec cet argent récupéré la grande distribution achète plus chers les produits aux industriels, et que ces derniers rémunèrent mieux les producteurs.
Mais neuf mois plus tard, les producteurs estiment que cette loi n'est pas appliquée dans son intégralité, et que, de fait, leurs rémunérations ne se sont pas améliorées.
Un CETA qui ne passe toujours pas
A ce grief s'ajoute la remise en cause de «mesures réglementaires franco-françaises qui plombent la performance des exploitations», et surtout le controversé accord CETA, qui ne passe toujours pas.
Pour les éleveurs, cet accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada revient à demander à l'agriculture française de respecter des contraintes qui ne sont pas exigées en retour.
Le texte, adopté en première lecture dans la douleur par une majorité déchirée, est venu enflammer un monde paysan déjà bouleversé par les contraintes liées à la transition écologique et des sécheresses ou canicules à répétition.
Mais si la crise que traversent les agriculteurs est économique, elle est aussi existentielle et par conséquent bien plus profonde.
«L’Agribashing» : haine et violences quotidiennes
Partout sur le territoire, de plus en plus d'éleveurs et de producteurs se disent en effet victimes «d'agribashing», une forme de haine, voire de violence à leur égard.
Alors que les premiers subissent des attaques d'associations animalistes, les seconds se plaignent d'agressions verbales et physiques et, surtout, d'une forme de dénigrement généralisée.
Plusieurs municipalités ont en effet ces derniers mois pris des arrêtés visant à interdire l'utilisation de pesticides sur leur commune et les professionnels se disent ainsi «exaspérés de passer pour des empoisonneurs».
Une nouvelle épreuve de force pour la majorité
Mis bout à bout, tous ces facteurs ont contribué à alimenter la grogne des agriculteurs et à tendre considérablement leurs rapports avec le pouvoir, accusé de rester sourd à leur colère qui n'a fait que croître au fil des mois.
Aux députés pris à partie et aux permanences d'élus dégradées à l'été dans le sillage du CETA ont succédé plusieurs blocages routiers à l'automne.
Avant la mobilisation du 5 décembre en réaction à la controversée réforme des retraites, la mobilisation paysanne du 27 novembre aura donc valeur d'un nouveau test pour le gouvernement.
Jusqu'à présent, le monde agricole s'était dans son ensemble plutôt tenu à l'écart des gilets jaunes. Mais les 17 milliards d'euros lâchés par le gouvernement après les violences du mouvement ont propagé l’idée que les moyens ne tombent que dans les luttes de rassemblement, ce qu'a également prouvé la mobilisation des hôpitaux dernièrement.
Alors qu'en moyenne deux agriculteurs mettent quotidiennement fin à leurs jours en France, le suicide étant devenu la deuxième cause de mortalité dans la profession après le cancer, la situation est des plus inflammables pour le gouvernement.