De la «colère», du «dégoût», mais une volonté de reconstruire «le plus vite possible» : l'humeur était combative dimanche à Chanteloup-les-Vignes au lendemain d'une nuit d'émeutes qui a vu partir en fumée un bâtiment culturel emblématique de la ville, inauguré il y a un an.
«Céder maintenant, c'est annuler vingt ans de vie nouvelle pour les habitants», assure Catherine Arenou, la maire (LR) de cette ville située à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Paris.
Devant les ruines encore fumantes de la structure de bois et de zinc qui abritait un centre des arts de la scène et du cirque, la maire répond aux sollicitations tandis que des habitants viennent constater les dégâts.
«L'Arche», ce chapiteau où de nombreux jeunes se sont initiés aux arts du cirque, n'a pas survécu aux violences urbaines de la veille, marquées par des jets de projectiles contre des policiers.
«J'ai tout appris ici», se désole Hamza, 15 ans, devant le bâtiment entièrement détruit. «Ils respectent rien. Leurs petits frères, leurs proches font du cirque ici, mais ils préfèrent brûler», constate, amer, l'adolescent qui a commencé le cirque il y a neuf ans avec la Compagnie des contraires.
Cette association, qui gérait le chapiteau, est implantée depuis presque 30 ans à Chanteloup-les-Vignes où elle propose des ateliers aux jeunes, notamment ceux du quartier sensible de la Noé, situé à proximité.
«La directrice a commencé à travailler au pied des immeubles», raconte Alzira Pages, une comédienne et artiste plasticienne de la compagnie.
«Ensuite, on a eu un chapiteau traditionnel pendant plusieurs années et puis la ville, le département et la région ont investi pour construire un chapiteau en dur», explique-t-elle. C'est cette structure, d'un coût de 800.000 euros, qui est partie en fumée.
L'incendie s'est déclaré vers 22H30 alors que des affrontements entre jeunes et policiers avaient commencé dès 19H00 au coeur de la Noé.
La police dit avoir été attirée dans un «guet-apens» puis prise à partie par «une trentaine de jeunes». Deux fonctionnaires ont été légèrement blessés et deux suspects interpellés.
Des évènements récurrents à Chanteloup ces dernières semaines et dans d'autres villes du département, comme à Mantes-la-Jolie il y a dix jours.
«On attaque l'éveil culturel»
«C'est une minorité provocatrice, inconsciente des autres», dénonce Alzira Pages, pour qui Chanteloup est un endroit «merveilleux». «On va continuer, on va reconstruire», ajoute Alicia Baudry, la secrétaire de cette compagnie, qui mène des actions de prévention en milieu scolaire.
Une volonté partagée par la maire, pour qui cet «espace culturel» est essentiel pour «lutter contre l'inéquité territoriale».
«A un moment, on n'a peut-être pas assez insisté sur l'éducation des enfants. On n'a jamais essayé de trouver un moyen de les accompagner dans leur réussite», explique Mme Arenou, pour qui ce genre de structure peut faire la différence.
«Ca fait 40 ans qu'on s'est plantés, alors à un moment il faut oser (...). Si on n'essaye pas, on meurt», assure-t-elle.
Mme Arenou assure avoir reçu le soutien de la région et du département, mais aussi du ministre de la Ville Julien Denormandie pour reconstruire au plus vite «l'Arche».
«On attaque l'éveil culturel, qui est un moyen de libération, de civisme, d'épanouissement», a dénoncé le préfet des Yvelines Jean-Jacques Brot.
«Rien ne peut justifier qu'on s'en prenne ainsi à un lieu de culture», a renchéri le ministre de la Culture Franck Riester sur Twitter, tandis que son homologue de l'Intérieur, Christophe Castaner, dénonçait des actes «lâches et imbéciles».
«Nous ne nous laisserons pas intimider», a insisté le préfet, affirmant que c'est «un outil extraordinaire» qui a été détruit samedi soir.
Aux abords du sinistre, deux mamans souhaitant garder l'anonymat émettent quelques réserves. «On a des structures, mais on n'a pas d’accompagnement», déplore l'une elles.
«Les jeunes n'ont plus peur de rien. On est dans un quartier sensible et quand on commence à voir des choses qui se passent mal, il faut faire une consultation, pour savoir ce que les gens attendent, les jeunes ne sont pas assez impliqués dans les décisions», regrette-t-elle.