Bonne entente entre les communautés religieuses, intégration sans histoire: les musulmans de Bayonne voyaient mardi dans l'attaque de leur mosquée, qui a fait deux blessés, un «acte isolé», mais nourri par un «climat» et des «débats hystériques» sur l'islam.
Dès mardi soir peut-être, «mercredi en tout cas, j'espère bien récupérer les clefs de la mosquée», lance Abdellatif Boutaty, récent président de l'Association des musulmans de la Côte basque, dont la toute jeune et élégante mosquée, inaugurée en 2014, a été la cible de l'attaque lundi.
Celle-ci restait fermée mardi matin, pour les besoins de l'enquête confiée à la police judiciaire, et son accès barré par un cordon de rubalise et une voiture de police, avec deux officiers en faction le visage dissimulé derrière un cache-col, a constaté l'AFP. Depuis la rue, à travers le grillage, on pouvait apercevoir la porte d'entrée en bois, à la partie basse noircie par les flammes, lors de la tentative d'incendie.
Les deux septuagénaires blessés par les tirs de l'assaillant étaient mardi matin dans un état «stable», après des opérations la veille
«Vrai choc», «peine», «surprise», reviennent dans les mots des fidèles, encore peu nombreux mardi matin à profiter de la salle polyvalente mise à leur disposition temporairement, à 2 km à peine de la mosquée.
«Il faut arrêter de parler d'intégration, cela n'a rien à voir avec l'intégration», s'agace Abdellatif Boutaty, soulignant à l'AFP que la communauté musulmane de l'agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, forte de «600, 700 fidèles peut-être», installée depuis deux, trois générations, «n'a jamais eu de problème».
Lui-même est un symbole de cette intégration. Solide (1,95 m, 118 kg), il fut rugbyman professionnel pendant 15 ans, dont cinq saisons sous le maillot de l'Aviron bayonnais, disant se sentir aujourd'hui «plus basque que les Basques».
«Nous n'avons absolument jamais eu de problème avec la communauté musulmane, très intégrée à la vie de la cité, et aucun problème avec des éléments exogènes», réaffirme le maire Jean-René Etchegaray à l'AFP. «Et dans ce quartier pavillonnaire où est installée la mosquée, les choses se passent très bien».
«Climat catalyseur»
Certes il y eut des précédents, mineurs, à la mosquée. Comme en août 2017, lorsqu'un engin incendiaire avait été lancé une nuit, endommageant un climatiseur extérieur. Ou des tags haineux et racistes dans les jours suivant l'attentat de Charlie Hebdo. Mais Bayonne fut alors loin d'être la seule cible.
«La ville de Bayonne n'est pas connue pour ses quartiers chauds ni pour son communautarisme musulman», insiste Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux et figure progressiste de l'islam français. «Mais la bêtise ne connaît ni le temps, ni la géographie».
A mesure que des témoignages confirment le profil «perturbé», «glacial», «colérique», «en besoin de conflits» de l'octogénaire tireur présumé, les musulmans de Bayonne pointent du doigt «l'acte isolé» de quelqu'un «en marge de la société».
«On ne va pas mettre tout le monde dans le même sac, cette personne ne représente que lui-même», soupire Mohammed, fidèle de la mosquée de Bayonne. «Y a des gentils, y'a des mauvais comme ça. C'est triste mais faut pas juger comme ça».
Un acte isolé peut-être, mais nourri de débats qui peuvent «créer la psychose dans la société française», se désole Tareq Oubrou. En mélangeant islam, foulards, communautarisme, «la parole politique peut favoriser la violence. La confusion sémantique conduit à la confusion mentale, surtout pour un citoyen à l'esprit instable»,
«Ce n'est pas un problème d'intégration, c'est un problème des politiciens, des médias, qui stigmatisent les choses en parlant sans cesse de foulard, de voile», tonne M. Boutaty, déplorant «une hystérie artificiellement créée».
Ces cas, appuie le responsable régional (Nouvelle-Aquitaine) du Conseil français du culte musulman, Fouad Saanadi, «se nourrissent de l'actualité politique et médiatique». «Quand bien même l'enquête révélerait que l'agresseur est atteint d'instabilité psychologique, cela n'empêche pas que le climat actuel est un catalyseur».