Un scénario à la «Interstellar», où l'humanité quitterait la Terre pour coloniser une planète voisine ? C'est plus qu'improbable, tranche le chasseur d'exoplanètes suisse Michel Mayor, prix Nobel 2019 de physique.
Dans une interview accordée à l'Agence France-Presse (AFP), le scientifique met en doute les plans sur la comète régulièrement avancés par la Nasa, mais aussi par des milliardaires friands de conquête spatiale, comme Elon Musk ou Jeff Bezos. Si l'agence spatiale américaine évoque son intention d'envoyer, à des fins purement scientifiques, des hommes sur Mars d'ici la fin des années 2030, les patrons de multinationales voient plus loin. Imaginant des hôtels spatiaux ou des dômes géants, voire un processus de terraformation, ils ambitionnent de faire de la planète rouge le prochain foyer de l'humanité par terraformation, après que celle-ci aura transformé la bleue en caillou inhabitable.
Or, un tel projet relève de l'incantation, selon Michel Mayor, qui a co-découvert la première planète en dehors de notre système solaire à tourner autour d'une étoile. «Si on parle d'exoplanètes, les choses doivent être claires: on n'y migre pas. Il est important de tuer toutes les déclarations qui disent que 'nous irons sur une planète habitable si un jour la vie n'est pas possible sur Terre'. C'est complètement fou», déclare le physicien.
Des centaines de milliers d'années
Et pour cause: les planètes les plus proches du globe ont un environnement hostile la vie humaine, et toutes les planètes extrasolaires connues sont «beaucoup, beaucoup trop loin» pour que l'homme puisse la rejoindre. Et «même dans un cas très optimiste d'une planète habitable pas trop loin, disons à quelques dizaines d'années-lumière, ce qui est tout petit, le temps pour aller là-bas est considérable», selon le chasseur de planètes.
Si l'homme ne perce pas le mystère de la vitesse de la lumière, cela se chiffrerait donc «en centaines de millions de jours avec les moyens actuels», soit des centaines de milliers d'années. Même dans un caisson d'hibernation artificielle – une technologie qui n'est pas pour demain –, le temps risque de paraître un peu long pour ceux qui resteraient sur la terre ferme.
Sans compter, d'ailleurs, que la migration vers une autre planète pose une autre question, beaucoup plus sociale: qui partiront les premiers ? A voir le prix actuel des futurs voyages spatiaux proposés par Elon Musk, nul doute que 99% de l'humanité n'auraient pas droit à un ticket. «Prenons soin de notre planète ici, elle est très belle et encore tout à fait habitable», conclut donc Michel Mayor.