Orphelins depuis la démission de Laurent Wauquiez il y a six mois, les adhérents du parti Les Républicains, englué dans une crise interminable, ont élu Christian Jacob comme nouveau patron de la droite, à l'issue d'une campagne sans grand débat ni coup d'éclat.
Le président du groupe à l'Assemblée nationale, qui était était donné largement favori, va devoir relever des défis de taille s'il veut assurer la survie de sa famille.
Faire oublier deux ans d'échecs
Le tout nouveau chef de file devra reconstruire un parti, héritier de l'UMP, mais qui a accumulé les revers: la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012, l'éviction historique de François Fillon à celle de 2017, les errements tactiques d'un Laurent Wauquiez très critiqué, jusqu'à la violente gifle de 8,5% aux européennes de mai.
Le premier défi de Christian Jacob sera donc de faire oublier aux électeurs «deux années d'errance lamentable», selon les mots de Jean-François Copé, ancien président de l'UMP. Et ce, grâce à une autre voix et des propositions concrètes. Car «si on ne renouvelle pas tout, si on ne dit pas aux Français [ce que LR veut faire sur l'écologie, le chômage, la sécurité...], ils vont totalement nous zapper et d'ici à un an on disparaîtra», prédit Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR.
Clarifier la ligne idéologique
Une droite décomplexée à la Sarkozy, sociale à la Juppé, identitaire à la Wauquiez, souverainiste, populiste... ? Le nouveau patron va devoir dessiner le futur visage du parti, depuis trop longtemps traversé par les divergences de ligne et donc divisé par les conflits internes. Un défi d'autant plus complexe qu'il devra trouver sa place dans un espace politique réduit: du côté «gauche», LREM qui, en plus d'être ultralibéral économiquement, empiète sur ses plates-bandes en s'attaquant à des thèmes régaliens (sécurité, immigration...) ; de l'autre le RN, dont certaines voix prônent le rapprochement, déjà amorcé sans le dire par Wauquiez, très conservateur.
A chacun son programme . Pour moi , il faut #OserLaDroite , #AvecAubert .@lesRepublicains pic.twitter.com/qndrhcDtbr
— Bernard Carayon (@BernardCarayon) October 11, 2019
Mais comment bâtir une alternative dès lors qu'on est pris en étau? Preuve de son importance, la question était au cœur de la «convention nationale» réunie jeudi dernier par le président du Sénat Gérard Larcher, qui a mené trois mois de consultations en région pour trouver de l'inspiration auprès des électeurs et des élus locaux.
Endiguer la fuite des cadres (et des électeurs)
Pour LR, il faut aussi, à l'approche des municipales de mars, stopper l'hémorragie qui a vu partir les présidents de régions Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, ou encore l'ancien Premier ministre Alain Juppé, lequel n'a pas renouvelé son adhésion.
En attendant, la débandade des cadres se poursuit: vendredi encore, c'est le sénateur de l'Hérault, Jean-Pierre Grand, qui a claqué la porte du parti, dénonçant des «rapprochements assumés avec l'extrême droite» dans son département. Pire : ce dimanche, l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a annoncé qu'il allait «évidemment» claquer la porte, estimant que la politique de Macron était «globalement la meilleure que le pays peut avoir».
Les départs successifs des figures du parti ne seraient pas si dramatiques si les militants ne les suivaient pas. Or, depuis 2017, les troupes ont fondu: ils ne sont actuellement plus que 131.268 adhérents à jour de cotisation, contre 235.000 en 2017. Une fuite de près d'un militant sur deux, dont LR peine à se relever.
préparer les municipales de mars
La survie du parti, objectif ultime du nouveau président, va d'abord passer par le cap des élections municipales de mars 2020, et l'espoir de remontada qu'elles suscitent. En effet, contrairement aux «Marcheurs», au RN et aux Verts, la droite profite encore d'un ancrage territorial important et d'un puissant réseau d'élus, cruciaux en matière d'élections locales.
Se voulant arbitre, au-dessus des querelles partisanes, le patron du Sénat Gérard Larcher estime ainsi que la renaissance passera par les maires, «clés de voûte de la République». Du moins si le parti ne tombe pas dans le piège d’Emmanuel Macron, qui voudrait faire des alliances avec les élus LR «compatibles». Et ainsi acter par les urnes l’érosion de la droite traditionnelle, remplacée par le bulldozer macroniste.
Trouver un candidat pour la présidentielle de 2022
Une chose est certaine: Christian Jacob ne sera pas le poulain LR à la présidentielle de 2022. La direction intérimaire, mise en place après la démission de Laurent Wauquiez en juin, a en effet demandé aux prétendants de renoncer à cette ambition, pour ne pas relancer la machine à perdre des guerres fratricides.
Les ambitions pour 2022 seraient plutôt du côté d'anciennes figures de LR, qui apparaissent désormais au-dessus de la mêlée, presque hors partis. Comme Xavier Bertrand : premier à quitter le navire au lendemain de l'élection de Wauquiez fin 2017, il a récemment confirmé son ambition élyséenne et peaufine son image d'homme de terrain dans cette optique.
Quoi qu'il en soit, celui ou celle qui sera dans la course de 2022 ne pourra avoir un semblant de chances que si Nicolas Sarkozy, meilleur candidat de la droite pour 76% des sympathisants LR, et toujours adulé par son camp malgré les multiples affaires judiciaires qui le visent, ne fait pas son retour. Après tout, l'ancien chef de l'Etat a affirmé fin août «ne plus faire de politique». Ce qu'il répète à l'envi depuis sa déconfiture il y a sept ans.