Ils n’y croient pas. Face aux discours rassurants du gouvernement, beaucoup d’habitants de l’agglomération rouennaise restent mobilisés. Près de deux semaines après l’incendie de l’usine chimique Lubrizol (survenu le 26 septembre), ils appellent à manifester ce mardi devant le palais de Justice de la ville, pour réclamer «la vérité». Le symbole de la difficulté avec laquelle les autorités peinent à convaincre sur les conséquences réelles du sinistre.
«Les informations sont contradictoires, on nous dit que c’est une catastrophe écologique mais qu’il ne faut pas s’inquiéter, ça fait peur», résumait ainsi une manifestante lors du précédent rassemblement, il y a une semaine. Car si la préfecture de Seine-Maritime a rapidement affirmé après l’incendie que la qualité de l’air et de l’eau étaient habituelles, impossible de passer outre les maux de têtes, les nausées ou les vertiges de nombreux habitants. Au total, 224 passages aux urgences ont été enregistrés en lien avec le sinistre, dont huit hospitalisations, selon l’Agence régionale de Santé. Des chiffres qui alimentent sentiment de méfiance d’une certaine partie de la population locale et expliquent les quatre-vingts dépôts de plainte enregistrés pour des dégâts liés à la catastrophe, selon un avocat de riverains.
face aux critiques de la population, l'exécutif s'agace
La suspicion est aussi massivement relayée sur les réseaux sociaux, où une cagnotte a même été créée pour effectuer des analyses indépendantes. Une défiance est en effet affichée envers celles réalisées par les organismes habituels, qui seraient trop positives. Dans ce contexte, il n’est pas certains que les derniers résultats «très rassurants», selon Agnès Buzyn, ministre de la Santé, concernant la présence de dioxines dans les fruits, les légumes ou le lait, ait un effet sur les plus sceptiques. Des prélèvements complémentaires sont pourtant attendus dans les prochains jours pour s’assurer que les seuils restent bons et donner le feu vert aux agriculteurs pour reprendre les récoltes de leurs productions animales et végétales.
De son côté, l’exécutif se prépare déjà aux critiques et aux accusations de mensonge de la part de ses détracteurs. «Nous vivons une époque curieuse où la parole publique, comme celle des experts, est mise en cause», fustige ainsi Edouard Philippe, en dénonçant les «complotistes» et les «marchands de peur».
L'opposition politique s’en mêle
Mis à mal sur le terrain par cette suspicion, le pouvoir est également attaqué sur la scène politique dans cette affaire. Alors qu’une commission d’enquête parlementaire doit être mise sur pied en fin de semaine, sous l’impulsion de députés de gauche, l’ensemble de l’opposition s’en prend violemment à la façon dont le gouvernement négocie la crise.
«La gestion de cet accident est globalement catastrophique», a ainsi dénoncé Yannick Jadot, eurodéputé EELV. Il a été relayé par Marine Le Pen, pour qui la méfiance de la population est essentiellement due à la «communication brouillonne» du pouvoir. Le Premier ministre a accepté ces critiques, reconnaissant que l’équipe gouvernementale aurait pu faire mieux. Mais il s’en est aussi pris à l’entreprise Lubrizol, coupable d’avoir été «trop absente» quand la population réclamait des informations.