Ils ont fumé des joints, mais pour la science. Une étude présentée mercredi 19 septembre évalue les effets de la consommation occasionnelle et chronique de cannabis sur la conduite, en se basant, fait rare, sur ce qui se passe lorsque l'on fume vraiment.
«Pour la plupart des études, on utilise des sprays ou des décoctions. Là, on montre ce qui se passe dans la vraie vie, avec du cannabis fumé, ce qui est important du point de vue médical», explique à l'AFP Jean-Claude Alvarez, co-auteur et spécialiste de pharmacologie et toxicologie à l'Inserm.
L'étude a été menée en 2017-2018 par des chercheurs des hôpitaux Raymond Poincaré à Garches (AP-HP) et Sainte-Marguerite à Marseille. Ils ont recruté leurs sujets par voie d'affichage dans «des facs de médecine et de droit».
Les participants étaient 30 hommes âgés de 20 à 34 ans, dont une moitié était des fumeurs occasionnels et l'autre des fumeurs chroniques. L'expérience s'est déroulée durant trois sessions de 26 heures, le cannabis utilisé provenait de saisies policières.
Les participants ont fumé des joints contenant 10 et 30 milligrammes de THC, le principe actif du cannabis. Pour pouvoir comparer, certains joints étaient des placebos.
Une inhalation de deux secondes toutes les 40 secondes
L'expérience reposait sur un protocole précis : une inhalation de deux secondes toutes les 40 secondes pendant dix minutes, soit 15 bouffées. Ensuite, les fumeurs passaient au simulateur de conduite qui reproduisait la circulation sur une autoroute, avec des rafales de vent déviant les trajectoires.
Le processus s'accompagnait de prises de sang et de tests salivaires dont les résultats sont sans surprise : la consommation de cannabis entraîne une augmentation rapide du THC dans le sang, ce qui allonge le temps de réaction.
Le premier volet de l'étude a été publié en mars dans la revue médicale américaine Clinical Chemistry. Il montre que les effets du cannabis sur la conduite sont plus importants et durent plus longtemps chez les fumeurs occasionnels (un ou deux joints par semaine) que chez les fumeurs chroniques (un ou deux joints par jour).
«Nous n'avons initié personne»
En revanche, le THC reste détectable dans le sang plus longtemps chez les fumeurs chroniques. Le second volet de l'étude doit être publié prochainement et portera sur les tests salivaires utilisés par la police dans les contrôles routiers.
Selon Jean-Claude Alvarez, l'expérience a valu aux chercheurs français des critiques de collègues américains, heurtés par le fait qu'on utilise de vrais cônes de cannabis. «Bien entendu, nous n'avons initié personne, insiste le scientifique. Les sujets étaient tous consommateurs.»
En France, depuis 2010, quelque 500 personnes sont tuées chaque année dans des accidents de la route liés à une consommation de stupéfiants (cannabis ou autres), selon les chiffres officiels.