Des départs plus précoces, des pensions parfois plus élevées par rapport à celles du régime général... et des caisses souvent déficitaires subventionnées à coups de milliards. Les régimes spéciaux de retraites se retrouvent au cœur de l'actualité au regard de la réforme en cours. Focus sur cinq d'entre eux particulièrement avantageux.
RATP
En 2017, l'âge de départ à la retraite à la RATP était compris entre 51 ans pour un conducteur de métro, et jusqu’à 62 ans pour un agent sédentaire.
Dans les faits, cela se traduit par des départs en moyenne à 55,7 ans. Un écart d'un peu plus de huit ans est ainsi constaté par rapport à l'âge de départ de la majorité des Français, situé, lui, à 63 ans et 5 mois.
Il est cependant à noter, qu'en application d'une précédente réforme datant de 2008, les conditions de départ vont être progressivement durcies d'ici à 2024 et, à terme, l'âge auquel il sera possible de liquider sa retraite sera relevé de deux ans pour l'ensemble des employés de l'entreprise.
Concernant le calcul de la pension, celui-ci est similaire à celui des fonctionnaires, et s'établit à 75 % du salaire des six derniers mois.
Selon la Cour des comptes, un salarié qui a pris sa retraite en 2017 bénéficie ainsi d’une pension brute moyenne de 3.705 euros (pour une carrière complète, ndlr).
Un régime spécial qui permet des pensions élevées mais qui a un coût pour la collectivité. Car les cotisations des salariés de la RATP ne suffisent en effet pas à elles seules à payer les pensions des retraités.
A la RATP, les cotisations des salariés ne représentent en effet que 41 % de la note, qui, cette année, s'est montée au total à 736 millions d’euros.
A l'arrivée, c’est donc le contribuable qui paie la différence. Et, celle-ci équivaut à 11 euros par Français et par an.
Pour expliquer les avantages de ce régime, les syndicats mettent en avant une certaine pénibilité, due notamment à des horaires de travail décalés.
Le 12 septembre dernier, s'exprimant au journal de 20 h de TF1, le Premier ministre Edouard Philippe a quant à lui souligné «qu'un chauffeur de bus du Havre, de Bordeaux ou de Metz a parfois le même travail qu'un agent de la RATP et qu'il a un régime de retraite qui n’a rien à voir.»
Pour le chef du gouvernement, la question est donc celle-ci : «Ne peut-on pas essayer de refonder totalement un système pour faire en sorte qu’il soit universel ?»
SNCF
Les salariés de la SNCF bénéficient eux aussi d'un départ à la retraite plus précoce comparé aux salariés du secteur privé et même par rapport aux agents de la fonction publique civile d’État ou ceux de la fonction publique territoriale.
En effet, alors que ces fonctionnaires partent en moyenne à 61 ans, les agents de la SNCF prennent, eux, leur retraite en moyenne à 56 ans et 9 mois. Un écart là encore pointé par la Cour des comptes.
Même chose au niveau des pensions puisque pour les nouveaux retraités de la SNCF, la pension brute moyenne (pour ceux qui ont réalisé une carrière complète dans cette entreprise) s’élevait à 2.636 euros contre 2.206 euros pour les fonctionnaires de l’État.
Avec le privé, la différence est impressionnante, puisqu’en 2016, selon la direction des statistiques du ministère de la Santé (Drees), la pension moyenne brute s’élevait à 1.389 euros pour l’ensemble des retraités des régimes français.
Des avantages dus à un statut particulier, celui de cheminot. Mais avec la réforme de la SNCF, adoptée l'an passé, l'entreprise ne recrutera plus aucun salarié sous ce statut.
Ce qui va poser d'ailleurs un gros problème de financement : aujourd'hui, le régime spécial dont bénéficient les agents de la SNCF est en effet déjà très déficitaire : il manque plus de 3,3 milliards d’euros dans les caisses et c'est l’Etat qui paye.
La fin de l’embauche «au statut» ne va faire qu’empirer ce déséquilibre, dans la mesure où les futures recrues ne cotiseront pas pour le régime spécial jusque là en vigueur, mais au régime général.
Raison de plus pour l'Etat de réformer ce régime spécial, d'autant que la SNCF accuse toujours une dette globale de plus de 55 milliards d'euros.
EDF
Le régime spécial des salariés d'EDF et de GDF (devenu ENGIE, ndlr) est lui aussi très avantageux. S'ils doivent normalement partir à la retraite à 62 ans, dans les faits, la réalité est beaucoup plus nuancée.
A titre d'exemple, pour plus de 90 % des employés d'ERDF - filiale de distribution d'EDF - l'âge de la retraite est ainsi fixé bien avant 62 ans, généralement entre 55 ans pour les agents nés avant le 1er janvier 1962 et 57 ans pour ceux nés après 1966.
Et globalement, selon la Caisse nationale des industries électriques et gazières (IEG), les personnes affiliées au régime spécial des IEG partent à la retraite, en moyenne, à 57,3 ans.
Comme pour les agents RATP et SNCF, ces conditions avantageuses s'expliquent, selon les syndicats, par les conditions parfois difficiles du métier.
Mais, dans le même temps, l'Etat pointe que la dette d'EDF dépasse les 30 milliards d'euros ... alors même que l'entreprise perd environ 100.000 clients chaque mois, depuis deux ans.
Sénat
Certains responsables publics bénéficient aussi parfois d'un régime spécial avantageux et, celui des sénateurs, est, à cet égard particulièrement éloquent.
Contrairement aux députés, qui ont aligné leur régime sur celui de la fonction publique, celui des parlementaires de la chambre haute fait en effet toujours exception.
Alors qu'avec les nouvelles règles, mises en œuvre le 1er janvier 2018, les locataires de l'Assemblée nationale vont désormais percevoir une pension de quelque 700 euros par mois (pour un mandat de cinq ans, ndlr), les sénateurs recevront, eux, environ 1831 euros. De quoi faire grincer quelques dents dans l'opinion publique.
Sans surprise, les Sages récusent ces attaques et mettent plutôt en avant un régime vertueux et équilibré, alimenté seulement par leurs propres versements, ainsi que ceux du Sénat. Ce qui, au final, leur a permis de constituer un véritable trésor de guerre : 1,4 milliard d'euros au total en 2017.
Certes, le Sénat continue de verser chaque année au régime-retraites quelque 9,4 millions d'euros, mais cela se fait «via des cotisations dites employeur, qui ne sont, en réalité, que des subventions financées par le contribuable», précise Pierre-Edouard Du Cray, directeur des études à l'association Sauvegarde Retraites, cité par le Parisien.
Par ailleurs, l'association souligne qu'à ce stade rien ne permet de dire que le régime spécial des sénateurs, ni même celui des députés d'ailleurs, sera bien inclus dans le futur système universel voulu par le gouvernement.
Aujourd'hui, au nom du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, l'exécutif ne peut en théorie pas intervenir dans le fonctionnement du Sénat.
Opéra de Paris
De façon peut être plus anecdotique mais révélatrice d'une profession bénéficiant d'acquis anciens relativement conservés au fil des ans, la situation des retraités de l'Opéra de Paris est aussi très interessante.
Dans cette institution prestigieuse, les droits à la retraite sont en effet ouverts à partir de 40 ans pour les danseurs, 55 ans pour les chanteurs de chœurs, et 60 pour les musiciens et même à partir de 55 ans pour les techniciens.
Dans l'ensemble, une retraite à taux plein est ainsi possible après seulement 10 ou 15 ans de cotisation. Par ailleurs, pour les femmes, chaque enfant né ou adopté avant le 1er janvier 2004 offrait une bonification d'un an. Après cette date, la bonification est de six mois.
Les trois premiers enfants, eux, donnent droit à une majoration de la pension de 10 %, les suivants de 0,5 %.