La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a proposé lundi 9 septembre deux changements dans le projet de loi de bioéthique pour établir la filiation des enfants de lesbiennes nés par PMA, alors que la rédaction actuelle du texte mécontente les associations d'homosexuels.
Mme Belloubet a fait cette déclaration lors de son audition par la commission de l'Assemblée chargée d'examiner le texte, aux côtés de ses collègues de la Santé et de la Recherche, Agnès Buzyn et Frédérique Vidal.
Dans les faits, les modifications proposées ne constituent pas un changement radical par rapport à la version initiale du texte.
Reconnaissance anticipée
D'abord, la garde des Sceaux a indiqué que les couples de lesbiennes ayant recours à la PMA devraient passer par une reconnaissance anticipée de l'enfant, comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non-mariés. Cette reconnaissance anticipée devrait être faite devant notaire.
Ensuite, de façon plus symbolique, Mme Belloubet a déclaré que la filiation des enfants de couples de lesbiennes nés par PMA ferait partie du même article du code civil que celle des enfants d'hétérosexuels nés par PMA.
Le texte initial prévoyait la création d'un article spécifique. Cela «a pu laisser craindre que nous entendions enfermer les couples lesbiens dans un cadre juridique à part. Telle n'est pas l'intention du gouvernement», a martelé Mme Belloubet.
La future loi de bioéthique va ouvrir la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, et la réforme de la filiation est au coeur des débats.
Cette ouverture rend en effet nécessaire la création d'un dispositif de filiation pour les enfants des couples de lesbiennes. Le but : que la femme qui n'a pas porté le bébé soit tout de même reconnue comme un des deux parents, à égalité avec sa compagne (la mère biologique).
La version initiale du texte prévoit qu'avant de faire une PMA avec don de sperme, les couples de lesbiennes signent une «déclaration commune anticipée» devant notaire, à transmettre à l'officier d'état civil après la naissance pour établir que les deux femmes sont les mères.
Le fait que l'enfant d'un couple de lesbiennes ait été conçu par PMA figurerait donc sur son acte intégral de naissance, ce qui n'est pas le cas pour les couples hétéros ayant bénéficié de la même technique.
Ce dispositif est contesté par les associations d'homosexuels, qui le jugent discriminatoire.
Aucune mention de PMA
Dans le schéma évoqué par Mme Belloubet lundi, la «déclaration commune anticipée» serait remplacée par la reconnaissance anticipée de l'enfant à naître, toujours devant notaire.
Dans l'acte intégral de naissance, «il sera mentionné que les deux mères ont reconnu l'enfant à telle date, devant notaire, rien de plus (...), il n'y aura aucune mention de la PMA», a-t-elle assuré.
Actuellement, les couples hétéros qui veulent avoir recours à une PMA doivent auparavant signer un consentement devant le notaire.
Si le couple est marié, l'homme est automatiquement considéré comme le père. En revanche, si le couple n'est pas marié, l'homme doit reconnaître l'enfant, et cette reconnaissance peut être faite avant la naissance.
Selon les nouvelles propositions de Mme Belloubet, c'est ce dernier mécanisme qui serait appliqué aux couples de lesbiennes ayant recours à une PMA, qu'ils soient mariés ou non.
La garde des Sceaux a rejeté les termes de «stigmatisation» et de «discrimination» employés par des associations opposées à la création d'une filiation spécifique aux lesbiennes, en y voyant une simple «distinction juridique».
«Dans quelques heures l'examen du texte commence et le gouvernement en est encore à bricoler le droit de la filiation», a pour sa part réagi sur Twitter le député LR Xavier Breton, membre de la commission et opposant à la PMA pour toutes.
Le projet de loi doit être examiné en commission à partir de mardi, avant le débat dans l'hémicycle du 24 septembre au 9 octobre.
«Ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes non mariées (...) c'est ouvrir les yeux sur ce qu'est la famille aujourd'hui en France. Une famille qui a de nombreux visages», a estimé Mme Buzyn lundi soir.
Si la PMA a attiré tous les regards, le projet de loi comprend nombre d'autres mesures plus strictement médicales, sur la génétique ou les cellules souches.