En débat depuis dix-huit mois, la réforme des retraites reste entourée du plus grand flou, ni son contenu ni son calendrier n'ayant encore été tranchés par l'exécutif, qui lui-même se contredit.
Quel agenda ?
Alors que le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a évoqué ce week-end une concertation d'«un petit peu moins d'un an», le Premier ministre, Edouard Philippe, a de son côté assuré que le projet de loi sera examiné au Parlement «dans les mois qui viennent», niant tout report du chantier. Une cacophonie gouvernementale qui a fini de semer la confusion autour de ce dossier explosif.
L'opposition, elle, dénonce une stratégie destinée à gagner du temps avant les élections municipales de mars 2020, qui consisterait à ne pas se fâcher avec les retraités (mais aussi tous les Français qui seront concernés par la réforme, dont les gilets jaunes qui pourraient y voir une nouvelle occasion de descendre dans la rue) avant un passage aux urnes crucial pour le camp Macron.
Quel contenu ?
La première des incertitudes tient au contenu de la réforme. Alors que le Haut-Commissaire à la réforme, Jean-Paul Delevoye, préconisait, dans son rapport rendu en juillet, un système à points pour remplacer les 42 régimes actuels et un âge incitatif de 64 ans pour une retraite à taux plein, Emmanuel Macron a créé la surprise, la semaine dernière, en disant préférer «un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l'âge».
Mais, preuve que «rien» n'était «décidé» à ce stade, Matignon doit ouvrir ce jeudi et vendredi une nouvelle phase de négociation en recevant les syndicats, qui approuvent le revirement de l'Elysée, et le patronat, qui le regrette. Un processus de «concertation citoyenne», inspiré de l'exercice du grand débat national, doit même être lancé à l'automne pour tenter de trouver un compromis avec la société civile – une initiative qui n'est autre qu'un «processus de communication» destiné à «noyer le poisson», selon ses détracteurs.
Parce qu'elle est une mission à part entière, cette réforme, aussi structurelle que controversée, pourrait également donner lieu à un «réaménagement» du gouvernement, selon le terme employé par Emmanuel Macron, avec l'entrée pressentie du Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye.
Quelles résistances ?
S'il se dit serein, l'exécutif semble à l'aube d'une bataille difficile : seul un tiers des Français (34%) font aujourd'hui confiance à l'exécutif pour modifier le système des retraites, et près de la moitié (41%) se disent opposés au texte même de la réforme, selon un sondage Ifop publié dans le JDD.
Sans surprise, plusieurs journées d'actions contre le projet de loi sont d'ores et déjà prévues en septembre. Comme le 13 septembre, avec les agents de la RATP qui, soucieux de préserver leur régime spécial, annoncent une «journée noire sans transport», ou le 16 septembre, avec les avocats, médecins, infirmières et pilotes. Viendront ensuite les mobilisations organisées par les syndicats : FO défilera le 21, la CGT le 24. Sans compter les gilets jaunes qui battront le pavé chaque samedi.
Une rentrée sociale en ordre dispersé, donc, mais qui n'a pas dit son dernier mot pour faire bouger au moins quelques lignes du texte controversé.