La croissance économique a marqué le pas en France au deuxième trimestre, en raison d'un ralentissement inattendu de la consommation des ménages. Une situation qui fragilise le scénario budgétaire du gouvernement, déjà menacé par la faible activité au sein de la zone euro.
Selon une première estimation publiée mardi par l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee), le produit intérieur brut (PIB) hexagonal a progressé de 0,2% entre avril et juin, contre +0,4% au dernier trimestre 2018 et +0,3% au premier trimestre 2019.
Ce chiffre est inférieur à la prévision publiée le 20 juin par l'organisme public, qui tablait sur une croissance de 0,3%. Il est en revanche conforme à la dernière estimation de la Banque de France, qui s'était inquiétée d'une dégradation du climat des affaires dans le secteur industriel.
Il s'agit d'une «déception sur toute la ligne ou presque», a réagi l'économiste Véronique Riches-Florès : «les espoirs» suscités par «les bons chiffres récents de l'activité manufacturière" ne sont «assurément pas au rendez-vous».
Ces résultats «sont décevants» mais également «surprenants au vu des autres indicateurs disponibles, notamment le chômage qui baisse fortement», estime de son côté Eric Heyer, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui fait état de «signaux contradictoires».
Taux d'épargne record
D'après l'Insee, la faible croissance du deuxième trimestre s'explique principalement par la consommation des ménages, qui n'a progressé que de 0,2% entre avril et juin malgré les gains de pouvoir d'achat liés aux mesures annoncées en plein mouvement des «gilets jaunes».
La consommation de services a ainsi décéléré (+0,3% après +0,6%) tandis que la consommation de biens est restée atone, avec un recul inattendu des dépenses au mois de juin (-0,1%), lié à la baisse des ventes de voitures mais aussi des achats alimentaires (-1,1% en juin, -0,2% sur l'ensemble du trimestre).
«C'est étonnant, car les mesures de pouvoir d'achat ont été concentrées sur les classes moyennes» qui ont une «forte propension à consommer», observe Eric Heyer. «L'épargne, selon toute vraisemblance, va augmenter. Mais c'est paradoxal car dans le même temps, la confiance des ménages est élevée.»
Au total, 8,5 milliards d'euros ont été rendus aux ménages entre le dernier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, selon la Banque de France. Mais ces gains de pouvoir d'achat ont servi pour les deux tiers à alimenter l'épargne, dont le taux est actuellement à un niveau record (les ménages y consacrent près de 15% de leurs revenus).
Outre la consommation, la croissance du deuxième trimestre a été pénalisée par les «variations de stocks", qui ont pesé sur la hausse du PIB à hauteur de 0,2 point. L'investissement a à l'inverse soutenu l'activité (+0,9%), grâce à l'investissement des entreprises, de nouveau très dynamique (+1,2% après +0,7%).
Le commerce extérieur, talon d'Achille de l'économie française, a quant à lui eu un effet neutre sur la croissance, avec un tassement des importations (+0,1%) et des exportations toujours peu dynamiques (+0,2%, soit le même rythme qu'au premier trimestre).
«Pas de raison d'être angoissé»
Avec ces résultats, qui surviennent dans un contexte de ralentissement généralisé de l'activité au niveau mondial, l'«acquis de croissance» - c'est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait à la fin de l'année si la croissance restait nulle au cours du prochain semestre - est actuellement de 1%.
Ce chiffre rend incertains les objectifs fixés par le gouvernement, qui a prévu 1,4% en 2019. «A ce stade, il n'y a pas de raison d'être angoissé sur notre niveau de croissance», a pourtant assuré mardi la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher.
«L'investissement des entreprises progresse. Et ça, en règle générale, ça amène les emplois et la croissance futurs», a ajouté sur LCI la locataire de Bercy, en assurant que la France avait «l'une des croissances les plus importantes en Europe».
Selon le FMI ou bien l'OCDE, la croissance française devrait s'élever à 1,3% cette année, après 1,7% l'an dernier. Ce chiffre est légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro, où elle ne devrait pas dépasser 1,2%, en raison du trou d'air traversé par l'Allemagne.
Le ralentissement européen, lié aux tensions commerciales provoquées par Donald Trump, aura-t-il raison de la capacité de résistance tricolore ? La reprise de la croissance «n'est pas garantie et dépendra en tout premier lieu de la transformation du regain de confiance des ménages en consommation», juge Véronique Riches-Florès.
Un avis partagé par Eric Heyer, qui estime cependant que les dépenses de ménages «finiront bien par repartir» : «à un moment, l'épargne va être consommée. Le taux d'épargne ne va pas monter jusqu'au ciel.»