Les autorités le soupçonnaient de préparer un attentat alors qu'il rendait simplement visite à sa mère : la justice administrative a condamné jeudi l'Etat à indemniser un homme assigné à résidence après les attentats du 13 novembre 2015.
Le tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser 3.000 euros à Halim Abdelmalek, 39 ans, au titre du «préjudice moral» subi. «Il y a eu beaucoup d'abus pendant l'état d'urgence. C'est la première fois qu'un juge constate la faute de l'administration et en tire des conséquences pécuniaires», ont réagi ses avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. «C'est un message à l'administration qui doit comprendre que l'état d'urgence n'est pas l'irresponsabilité et le tout-permis», ont-ils ajouté.
Halim Abdelmalek avait été assigné à résidence le 15 décembre à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) avec obligation de pointer d'abord quatre, puis trois fois par jour au commissariat, et interdiction de quitter la commune sans un sauf-conduit du préfet de police. Il avait été le premier à obtenir, en janvier 2016, la suspension de son assignation à résidence par le Conseil d'Etat. La plus haute juridiction administrative avait démonté les arguments des services de renseignement qui voyaient en lui un islamiste dangereux, et condamné l'État à lui verser 1.500 euros.
vu à proximité du domicile d'un journaliste de Charlie Hebdo
Depuis deux ans, il demandait en outre 70.000 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu'il estime avoir subi «en raison du caractère injustifié de l'assignation à résidence décidée à son encontre». Il arguait notamment que sa société de dépannage de deux-roues avait périclité à cause de la mesure administrative qui avait fortement limité sa «liberté d'aller et venir».
Mais, dans sa décision, le tribunal administratif estime qu'«il n'a produit aucun document de nature à démontrer la réalité» du préjudice matériel et lui a donc seulement octroyé 3.000 euros. Les autorités avaient en particulier estimé que Halim Abdelmalek avait été signalé le 13 mai prenant des photos aux abords du domicile d'un journaliste de Charlie Hebdo. Le Conseil d'État avait établi que l'homme rendait visite à sa mère, habitant «à proximité immédiate», et qu'il avait utilisé son téléphone sur le mode haut-parleur, plus commode parce qu'il avait son casque de scooter sur la tête. Une position qui a donc été «confondue avec celle d'une personne prenant des photographies».