C'est l'histoire d'un crash. Nathalie Loiseau, cheffe de file de la liste La République en marche (LREM) lors des dernières élections européennes, a été contrainte, la semaine dernière, de renoncer à briguer la présidence du groupe centriste au Parlement européen. La faute à un «suicide» politique que personne n'avait vu venir.
Juste après le scrutin européen de mai dernier, Nathalie Loiseau apparaissait pourtant comme la candidate naturelle à ce poste. En effet, sa liste «Renaissance», réunissant les partisans d'Emmanuel Macron (LREM, MoDem, Agir), avait obtenu 21 députés au Parlement européen, et formait ainsi la délégation nationale la plus forte du groupe centriste, anciennement appelé ALDE et rebaptisé «Renew Europe» le 12 juin, qui est composé d'une centaine d'élus.
Mais tout a basculé à l'occasion d'un briefing «off» avec des journalistes à Bruxelles, le 5 juin dernier. Lors de ce type de rencontres, les personnes présentes sont censées s'engager à ne pas attribuer les propos à la personne qui les tient. Une règle qui ne sera pas respectée par le quotidien belge Le Soir, qui n'a pas assisté à l'événement mais qui a réussi à obtenir des informations, et qui conduira à la chute de Nathalie Loiseau.
«Ectoplasme», «homme aigri» et «frustrations rentrées»
Contre toute attente, lors de cette discussion, l'ancienne ministre des Affaires européennes d'Emmanuel Macron se lâche sur les dirigeants de l'UE, mais aussi sur ses propres alliés européens, devant des journalistes stupéfaits. Tout le monde en prend pour son grade, du chef de file du PPE (centre-droit) au Parlement européen, l'Allemand Manfred Weber, par ailleurs candidat à la présidence de la Commission européenne, qualifié d' «ectoplasme», au président actuel du groupe centriste, le Belge Guy Verhofstadt, qui la soutient pourtant pour lui succéder, un «vieux de la vieille qui a des frustrations rentrées depuis quinze ans».
L'eurodéputé centriste français Jean Arthuis ? Un «homme aigri». La Hollandaise Sophie in't Veld, candidate à la présidence du groupe centriste ? «Ça fait quinze ans qu'elle perd toutes les batailles qu'elle mène.» L'ALDE ? «Il y a tout à y faire. ALDE c’est Uber, ce sont des autoentrepreneurs.» Nathalie Loiseau va même jusqu'à attaquer la chancelière allemande Angela Merkel, sur qui Emmanuel Macron compte pourtant pour accroître l'intégration européenne. «Le problème en Europe, c’est Merkel», lâche-t-elle.
«Débranchée» par Emmanuel Macron
Suite à la publication de l'article du Soir (qui citait surtout l'«ectoplasme»), Nathalie Loiseau nie avoir fait ces déclarations. «Je ne reconnais pas les propos qui m’y sont attribués. C’est de la pure fantaisie», écrit-elle dans un mail aux responsables du groupe centriste. Mais Le Canard Enchaîné tire une deuxième salve, le 12 juin, dans laquelle le journal satirique cite d'autres propos peu diplomatiques de l'élue macroniste lors de cette réunion. «Elle s’est tuée toute seule, ça s’appelle un suicide», déplore au Parisien un ancien membre de son équipe de campagne.
Mise sous pression par ses alliés européens, Nathalie Loiseau, après avoir résisté, cède finalement à leurs exigences, et renonce à la présidence du groupe centriste après une réunion le 12 juin au soir. Selon plusieurs médias français, ce choix n'est pas le sien, mais celui d'Emmanuel Macron, qui aurait décidé de la «débrancher» pour sauver ce qui peut l'être. C'est-à-dire des postes d'influence comme des présidences de commissions dans le futur Parlement européen.
Il s'agit notamment de préserver les chances de l'écologiste Pascal Canfin, numéro deux sur la liste LREM lors des européennes, qui espère prendre la tête de la commission environnement. Quant à Nathalie Loiseau, elle a même renoncé à être la chef de file des macronistes au sein du groupe de «Renew Europe», au profit du numéro 6 de la liste, Stéphane Séjourné. Sa seule mission désormais : se faire la plus petite possible dans l'hémicycle européen.