Il est à l’offensive. Avec une longue interview accordée à la presse régionale, le président de la République s’implique de plus en plus avant les élections européennes de dimanche prochain, et veut éviter le spectre d’un vote-sanction.
«Je suis un patriote européen», «je ne peux pas rester spectateur», titraient notamment les quotidiens Le Parisien et Sud-Ouest.
A six jours des élections européennes, Emmanuel Macron est monté au front, mardi 21 mai, avec un entretien accordé à la presse régionale pour lancer le sprint final de la campagne. Une première depuis son entrée à l’Elysée.
Alors que la bataille se durcit, entre débats télévisés et meetings interposés, le chef de l’Etat a tenu à rappeler, en personne, les enjeux du scrutin du 26 mai.
Celui qui s’est déjà invité, il y a une semaine, sur une affiche de la liste LREM, après avoir diffusé en mars une tribune en 28 langues, espère ainsi contrer le «risque existentiel» auquel ferait face l’Europe.
Des abstentionnistes à convaincre
Sans appeler directement à voter pour les Marcheurs, le président espère mobiliser l’électorat – et les abstentionnistes, annoncés autour de 60 % – en rappelant les apports concrets de l’UE pour les citoyens, et donc les Français, en matière écologique, sociale, économique ou encore sécuritaire.
Pour lui, l’UE est surtout la garantie, pour ses Etats membres, de «ne pas devenir le théâtre des jeux d’influence chinois, russes, américains».
Et ce scrutin, l’occasion d’ouvrir le débat sur la «refonte de Schengen», la «taxation commune du kérosène», ou encore la «souveraineté alimentaire européenne».
Le RN et LREM étant à égalité dans les sondages (23 %), le locataire de l’Elysée entend aussi, à travers ces lignes, réaffirmer l’opposition entre les progressistes, dont il se prévaut, et les nationalistes, «premiers ennemis» de l’Europe.
«Ce scrutin, Macron doit l’emporter. Pour espérer redevenir l’homme fort du continent, et aussi prouver que l’Europe est bien sa seule identité politique – et la seule qui vaille», affirme le politologue Philippe Moreau-Chevrolet.
C’est dans cette optique de rassembler «l’arc progressiste» que le président reçoit, cette semaine, des dirigeants européens, dont le président du Conseil et le Premier ministre portugais, ainsi qu’une dizaine d’écrivains pro-européens.
Quant à la tête de liste LREM, Nathalie Loiseau, dont la campagne ne décolle pas, elle sera accompagnée lors des ses derniers meetings par plusieurs ministres, à commencer par le Premier, Edouard Philippe.
«Les sympathisants de LREM ne sont pas les plus mobilisés dans cette campagne. L'engagement du chef de l'Etat est donc primordial», résume un proche de l'Elysée.
Une logique de référendum
Si l’Elysée s’engage à ce point dans la campagne et pour l’Europe, c’est aussi parce qu’il est en difficulté dans son propre pays.
Popularité en berne, sortie du grand débat critiquée, gilets jaunes toujours dans la rue, réformes en suspens... Autant d’épines dans le pied qui le poussent, dans l’interview, à défendre son bilan («chômage au plus bas depuis dix ans», «hausse du pouvoir d’achat...) et ses plans pour l’avenir («baisser les dépenses», «les impôts»...).
La tribune suffira-t-elle toutefois à changer la donne, à l’heure où le président cristallise la colère ? Depuis des mois, le RN, LFI et de nombreux autres appellent en effet à «voter contre Macron», à le mettre «dos au mur», réduisant le scrutin à une sanction contre sa politique jugée antisociale.
«Le scrutin a une logique de référendum pour chacun des deux camps : les pro-LREM contre les nationalistes, et les pro-opposition contre Macron», selon Philippe Moreau-Chevrolet, qui voit dans ces affrontements croisés la «survie d’un clivage droite-gauche».
C’est donc une manche cruciale que s’apprête à jouer le chef de l’Etat dimanche prochain.