Vincent Lambert, patient tétraplégique plongé dans un état végétatif à la suite d'un accident de la route en 2008, est décédé à Reims (Marne) le jeudi 11 juillet 2019. Au cours des années, cette affaire a régulièrement placé l'épineuse question de la fin de vie au coeur du débat public. Où en est la législation française à ce sujet ?
Question universelle par essence et sujet de société extrêmement clivant car relevant de l'intime, la fin de vie désigne les derniers instants d’une personne arrivant en phase avancée ou terminale d’une affection ou maladie grave et incurable.
En France, le sujet est est encadré par loi dite Léonetti adoptée en 2005, puis amendée en 2016.
2005 : le principe du «laisser mourir»
Contrairement à la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse, l’euthanasie dite active et le suicide assisté sont des pratiques condamnées dans l'Hexagone.
Concrètement, la mort d’un patient en fin de vie ne peut donc pas être provoquée directement par un médecin qui injecterait une substance létale au malade.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, du nom du député Jean Leonetti qui l'avait proposée au vote du Parlement, a été adoptée dans le but d’éviter «l’acharnement thérapeutique» dans le traitement des malades en fin de vie.
Dans un cadre strictement défini, le texte permet ainsi aux médecins, en accord avec le patient ou ses proches, d’arrêter un traitement médical lourd, si les soins s’avèrent inutiles ou disproportionnés.
Cette loi permet d’utiliser les soins palliatifs, soit ceux mis en place pour réduire la souffrance des patients en fin de vie, en induisant des traitements antidouleurs spécifiques qui «peuvent avoir pour effet secondaire d’abréger» la vie du patient.
2016 : le «droit à la sédation profonde et continue» de la loi Claeys-Leonetti
En janvier 2016, la loi Leonetti fait place à une nouvelle législation, avec l'adoption de la loi Claeys-Leonetti, entrée en vigueur depuis.
Le texte vient apporter de nouvelles dispositions, en instaurant notamment un «droit à la sédation profonde et continue» pour les personnes atteintes d’une maladie «grave et incurable » en phase terminale.
Concrètement, la loi précise que les médecins ont dorénavant le droit de plonger le patient dans le coma jusqu’à sa mort, tout en procédant à l’arrêt des traitements. Cette «sédation profonde et continue» peut également s’accompagner de l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition.
Dans le cas de Vincent Lambert, c'est exactement cette issue que souhaite mettre en place le CHU de Reims, où le patient est hospitalisé.
Les médecins veulent arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles qui sont prodiguées à Vincent Lambert, tout en mettant en oeuvre cette «sédation profonde et continue» jusqu'à sa mort.
Un protocole auquel s'opposent farouchement les parents de Vincent Lambert, selon lesquels leur fils va tout simplement «mourir de faim et de soif».
La décision d'arrêter ses traitements est au coeur d'une bataille judiciaire depuis 2013, qui oppose deux parties de sa famille : d'un côté, les parents, un frère et une soeur s'y opposent, alors que, de l'autre, son épouse Rachel, son neveu François et six frères et soeurs du patient veulent qu'il soit mis fin à un «acharnement thérapeutique».
La fin de vie largement débattue lors des Etats généraux de la bioéthique
Enfin, ces dernières semaines, la question de la fin de vie est largement revenue dans l'actualité, à la faveur des débats organisés lors des Etats généraux de la bioéthique.
La France a en effet entamé depuis plusieurs mois la troisième révision en vingt-cinq ans de sa loi de bioéthique, c'est-à-dire les textes qui réglementent les interventions techniques sur le corps humain et qui soulèvent des questions éthiques, la dernière législation datant de 2011.
Dans le cadre des débats organisés l'année dernière donc, en régions et sur le net, les discussions avaient sans surprise mis au jour les profondes divisions sur le sujet entre partisans d'une évolution radicale et défenseurs du statu quo actuellement en vigueur.
PMA, GPA, fin de vie… Mgr Aupetit appelle «les catholiques à se mobiliser» https://t.co/wLjUm6vOF1
— Le Parisien (@le_Parisien) September 29, 2018
Alors que le gouvernement s'est engagé à présenter son projet de loi de bioéthique en juillet prochain - même s'il est fort probable que la fin de vie fasse l'objet d'un texte à part - dans les faits, s'il fallait faire évoluer la législation en vigueur, cela impliquerait d'autoriser l'euthanasie ou le suicide assisté.
Fer de lance du combat pour l'euthanasie, le député (LREM) du Rhône Jean-Louis Touraine avait d'ailleurs déposé, dès septembre 2017, une proposition de loi ouvrant la possibilité à une «assistance médicalisée active à mourir», laquelle a été renvoyée sine die en Commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Plus récemment, il y a un an, en avril 2018, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), assemblée purement consultative, s'était prononcé pour la «sédation profonde explicitement létale», donc, dans les faits pour l'euthanasie.
Aujourd'hui, alors que des voix dans l'opposition, à l'image de la tête de liste LR aux Européennes, François-Xavier Bellamy, réclament une intervention publique d'Emmanuel Macron sur le sujet, une telle prise de parole, si elle a lieu, pourrait permettre d'éclaircir la pensée du chef de l'Etat sur cette question de la fin de vie.