Un long chemin parcouru, depuis le 17 novembre. Six mois après leurs débuts, à partir d’une grogne contre le prix élevé du carburants, les gilets jaunes sont toujours là.
Né sur les réseaux sociaux, le mouvement, que beaucoup pensaient éphémère, a certes connu des hauts et des bas. Mais en dépit d’affluences en dents de scie et de dissensions internes, il reste inédit par son ampleur et sa durée. Au point de bousculer le gouvernement et le chef de l’Etat.
Un impact mais des déceptions
Samedi après samedi, les gilets jaunes ont fait de leur combat un rendez-vous inédit sous la Ve République. Le rassemblement populaire, qui revendiquait dès le départ représenter la «France des oubliés», s’est en outre fait sans leader désigné, à part quelques figures issues de ses rangs. Une mobilisation presque spontanée qui a parfois dérivé, avec des actes de violences extrêmes, inédits ces dernières décennies, notamment à Paris et dans plusieurs grandes villes (Arc de triomphe vandalisé, Champs-Elysées pillés, magasins saccagés, voitures brûlées et affrontements avec les forces de l’ordre...).
Mis sous pression, Emmanuel Macron a, par deux fois, annoncé une série de mesures pour le pouvoir d’achat, chiffrées à 17 milliards d’euros (100 euros de plus par mois pour les salariés au smic, réindexation des retraites sur l’inflation, réduction «significative» de l’impôt, etc.), dans le but de calmer la grogne.
«Les gilets jaunes sont parvenus à obliger le gouvernement à changer sa feuille de route, c’est ce que tout mouvement social recherche», analyse Stéphane Sirot, spécialiste des mouvements sociaux. Au final, l’exécutif a même dû mettre en attente des réformes importantes (retraites, fonction publique, assurance-chômage) pour se focaliser sur le grand débat national, lancé début janvier en réponse à la grogne.
Malgré tout, de nombreux manifestants en ressortent déçus. «Il y a eu un dialogue de sourd», constate le politologue Philippe Moreau Chevrolet. «Les trois demandes symboliques des gilets jaunes étaient le RIC (référendum d’initiative citoyenne), le retour de l’ISF et le retrait de la limitation à 80 km/h. Le gouvernement n’a rien fait là-dessus». Ce qui explique que certains n’ont toujours pas l’intention de stopper le combat.
Un avenir en pointillés
Alors que leur nombre s’effrite, et que l’opinion publique les a peu à peu lâchés, la fin des gilets jaunes pourrait sembler proche. Mais avec l’enchaînement de réformes risquées, prévues à l’agenda du gouvernement (retraites, assurance-chômage, fonction publique..), une étincelle pourrait suffire à relancer la dynamique. «L’habitude de la contestation est en train de s’installer dans la société», prévient Stéphane Sirot. Le gouvernement pourrait donc changer de stratégie et décider de renouer avec les syndicats, totalement dépassés par les gilets jaunes, pour éviter de voir de nouvelles crises s’installer.
Enfin, alors que les élections européennes approchent (26 mai), une politisation du mouvement pourrait le faire perdurer (deux listes «gilets jaunes» ont été formées). Mais ce processus serait contraire à leur indépendance, revendiquée dès le départ. Jusqu’au bout, les gilets jaunes resteront insaisissables.