Gestion des dons qui ont afflué, conduite de travaux délicats sur un joyau patrimonial: l'Assemblée a adopté dans la nuit de vendredi à samedi en première lecture le projet de loi encadrant la restauration de Notre-Dame, dont les délais réduits et les dérogations envisagées aux règles ont fait l'objet d'âpres débats.
Au terme de treize heures de débats, le texte a été adopté par 32 voix pour, 5 contre et 10 abstentions. Il va maintenant être transmis au Sénat pour un examen prévu le 27 mai.
«Si aucune opération de restauration de monument historique n'avait encore donné lieu à une telle adaptation législative, c'est parce que nous sommes face à une situation inédite», a justifié le ministre de la Culture Franck Riester à l'ouverture des débats.
«Le chantier qui s'annonce est exceptionnel, ambitieux, unique», a-t-il ajouté alors que certains députés d'opposition dénonçaient l'inutilité d'«une loi d'exception».
Chef d'œuvre de l'art gothique, la cathédrale de Paris a été frappée le 15 avril par un incendie qui a détruit sa charpente et la flèche, signée Viollet-le-duc.
Le président Macron a souhaité que l'édifice puisse être restauré en cinq ans. L'opposition a dénoncé un objectif irréaliste surtout motivé par les jeux olympiques à Paris en 2024.
«Une vieille dame vient de chuter et avant même de faire un diagnostic sur son état, on lui prescrit une ordonnance (...) et on lui demande de préparer un marathon», a ironisé l'Insoumise Clémentine Autain.
«C'est un délai ambitieux, volontariste qui permet de mobiliser l'ensemble des équipes concernées», a défendu Franck Riester affirmant que les travaux ne se feront «pas à la hâte».
Face aux dons et promesses de dons de particuliers, d'entreprises ou de collectivités - jusqu'à un milliard d'euros évoqué -, le gouvernement a prévu d'inscrire dans la loi un dispositif de gestion et de contrôle.
Le texte entérine l'ouverture de la souscription nationale depuis le 16 avril et prévoit que l'ensemble des dons recueillis seront reversés à l'État ou un établissement public.
Les donateurs particuliers pourront bénéficier d'une réduction d'impôts de 75% dans la limite de 1.000 euros pour les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019.
Franck Riester a appelé à la prudence ceux qui évoquent déjà des excédents : «si certains dons nous sont déjà parvenus, d'autres sont en attente de concrétisation et le coût total des travaux n'a pas été chiffré» (600 à 700 millions d'euros selon diverses estimations).
Il a également réaffirmé que l'ensemble des dons «iront uniquement et intégralement à Notre-Dame».
«S'affranchir des règles»
La partie du projet la plus controversée porte sur la création par ordonnances d'un établissement public destiné à assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et travaux.
Il est prévu également une habilitation du gouvernement à déroger si nécessaire à certaines règles (urbanisme, protection de l'environnement, commande publique ou préservation du patrimoine).
«Vous nous proposez, par habilitation, de vous donner un chèque en blanc», a dénoncé Frédérique Dumas (UDI-Agir) citant un sondage Odoxa paru vendredi dans la presse selon lequel «72% des Français» seraient «opposés à une loi d'exception» pour Notre-Dame.
«Cet article est le pire du texte. Il nous propose de s'affranchir de toutes les règles pour aller plus vite», a dénoncé Marc Le Fur (LR)
«Le Parlement est une nouvelle fois réduit à donner tout pouvoir à l'exécutif à travers des ordonnances», a déploré Elsa Faucillon (PCF) dénonçant «un précédent dangereux pour les futures opérations de reconstruction».
«Pas question de se servir de la restauration de Notre-Dame pour piétiner le droit du patrimoine, de l'environnement ou de l'urbanisme», a assuré le ministre de la Culture.
De nombreux députés LR ont réclamé sans succès une restauration «à l'identique», inquiets du concours architectural pour reconstruire la flèche et de l'expression du chef de l'Etat évoquant «un geste contemporain».
«Laissons le débat patrimonial se mettre en place, la créativité s'exprimer», leur a répondu le ministre rappelant que la flèche avait «été choisie à la suite d'un concours».