«Nous allons enfin connaître le verdict», lance Nicolas Lethellier, délégué CGT. Le tribunal de Strasbourg doit trancher jeudi l'avenir des 270 salariés de l'aciérie Ascoval à Saint-Saulve (Nord), épuisés par quatre années de rebondissements.
Le syndicaliste se dit «optimiste» quant à la décision de la chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg, qui doit être rendue jeudi matin, vantant les qualités du favori à la reprise, le britannique British Steel : «Un connaisseur de l'acier avec un projet cohérent, un gros groupe structuré qui doit reprendre l'intégralité des salariés».
Le 27 mars, les magistrats strasbourgeois avaient accordé un énième délai, un mois après le désistement surprise du groupe franco-belge Altifort. Cet épisode avait été vécu comme une douche froide par les salariés, désormais au nombre de 270 après une dizaine de démissions et de départs en retraite.
Le 24 avril, le tribunal de Strasbourg a donc examiné quatre nouvelles offres : le sidérurgiste britannique, mais aussi le fabricant italien d'aciers spéciaux Calvi Networks, le fonds SecuFund Industry et l'industriel régional Pascal Cochez.
Mais Calvi Networks, dont le projet était également jugé solide, a retiré son offre dès le début de l'audience, faute d'avoir bouclé son plan de financement.
Quant au fonds SecuFund Industry et à Pascal Cochez, ils ont été jugés peu crédibles par les acteurs du dossier. Si ces derniers demeurent officiellement en lice, British Steel, deuxième groupe sidérurgique au Royaume-Uni, est "le seul projet sérieux», avait souligné Me Guilhem Brémond, avocat d'Ascoval, à l'issue des débats.
Ce candidat dispose d'une «excellente offre à tout point de vue», avec notamment une «reprise de l'ensemble du personnel», abonde Cédric Orban, PDG d'Ascoval. «Mais il reste encore un obstacle à passer et on ne sera rassuré que lorsqu'il sera passé», a-t-il nuancé lundi.
Poursuites judiciaires contre Vallourec
L'acquisition d'Ascoval permettrait à British Steel d'asseoir un peu plus son statut de sidérurgiste européen et, selon Nacim Bardi, délégué CGT, l'entreprise anticipe aussi le Brexit et les économies de taxe carbone qu'elle pourrait réaliser avec cette aciérie tournant à l'électricité face aux hauts fourneaux d'outre-Manche.
En outre, son intérêt pour cette usine confirme l'attrait des Britanniques pour une industrie métallurgique française quelque peu délaissée. Il intervient au moment où le groupe GFG Alliance du magnat indo-britannique Sanjeev Gupta a mis la main sur une immense fonderie d'aluminium à Dunkerque en promettant de «réindustrialiser la France».
Sur le site de Saint-Saulve, «l'ambiance est lourde, pesante, mais avec le sentiment que le dénouement est proche», explique un salarié proche de la direction. Selon lui, «même si la décision va en faveur de British Steel, le personnel restera prudent».
Faute de nouvelles commandes, la production de l'aciérie est à l'arrêt jusqu'au 13 mai, mais Ascoval compense la perte de salaire engendrée par le chômage technique.
Créée en 1975 par Vallourec et devenue Ascoval en 2017, l'aciérie qui fabrique des tubes d'aciers spéciaux attend un repreneur depuis la liquidation judiciaire en février 2018 du groupe Asco Industries, auquel le sidérurgiste Vallourec avait cédé 60% de l'usine.
Le premier plan de restructuration avait été annoncé en 2015 par Vallourec. Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, avait assuré devant les salariés de l'usine de Saint-Saulve qu'il n'y aurait «aucune fermeture de site et aucun départ contraint».
Au sein de l'usine, entre 240 et 250 salariés se sont regroupés en association, «Des hommes d'acier», pour «attaquer Vallourec pour préjudice moral». «Ils nous ont laissé tomber depuis 2014», accuse son président Marcel Dewaulle.
L'avocat parisien qui pourrait les défendre, Me David Métin, a expliqué à l'AFP attendre la décision du tribunal jeudi pour étudier une éventuelle procédure.