Après plusieurs mois agités, Emmanuel Macron va devoir s'attaquer aux futurs gros chantiers dans un climat social explosif. Entre les européennes à l'approche et sa popularité à relancer, en passant par la concrétisation des réponses au grand débat, la suite de l'année 2019 ne devrait pas être de tout repos.
Des européennes à remporter
A un mois jour pour jour du scrutin en France, tous les partis politiques fourbissent leurs armes. A commencer par le camp LREM, dans la difficulté depuis la polémique concernant la présence de sa tête de liste, Nathalie Loiseau, sur une liste d'extrême droite à Sciences Po en 1984. A ce jour, le parti présidentiel reste en tête des intentions de vote (22, 5 %) mais au coude à coude – et ce depuis des mois – avec le RN (21 %), devant LR qui remonte à 15 %, selon un sondage Ifop-Fiducial.
«Ces élections, le président doit les gagner. Afin de prouver d'abord que sa base électorale (CSP+, retraités...) est intacte depuis deux ans, mais aussi que l'Europe est bel et bien sa colonne vertébrale, sa seule idéologie, libérale et mondialiste, et la seule qui vaille», estime le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. Sans surprise, une des clés du scrutin sera «l'attitude des électeurs de centre-droit, notamment des retraités, qui pourraient revenir à droite vers la liste LR», d'après l'expert.
En pleine crise nationale, le scrutin pourrait aussi bien se transformer en référendum pro ou anti-Macron, les électeurs mécontents risquant de le sanctionner dans les urnes. Et une défaite le 26 mai prochain pourrait sonner comme un désaveu pour le chef de l'Etat, tant au niveau national qu'au niveau de l'UE, qu'il espère transformer.
un après-grand débat à concrétiser
Après avoir listé ses annonces post-grand débat national en réponse à la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron va devoir maintenant les mettre en musique. Baisses d'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, réindexaction des petites retraites sur l'inflation, suspension des fermetures d'écoles et d'hôpitaux, refonte de l'Ena, redéploiement des services publics... Les chantiers ne manquent pas, mais à quelques exceptions près, la plupart sont, selon les observateurs, dans la lignée du programme initial du gouvernement (moins d'impôts, donc moins de dépenses publiques).
Ce qui explique que, selon un sondage Harris interactive, pas plus de 37 % des Français qui ont au moins entendu parlé des annonces faites par le chef de l'Etat l'ont jugé «convainquant», contre 63 % d'un avis contraire. Preuve de l'obligation de résultat qui pèse désormais sur l'Elysée.
«Le grand débat a finalement été une grande thérapie collective pour les pro-Macron. Il y a eu deux ratés : seuls (ou presque) les électeurs de Macron ont participé, et la sortie a été improvisée, se soldant par un catalogue de mesures sans cohérence», selon Philippe Moreau-Chevrolet. Résultat ? Anticipée, la déception a été à l'ordre du jour.
Des réformes à entériner
Alors que les derniers six mois ont mis entre parenthèses les projets de «transformation du pays» macronistes, l'exécutif entend bien lancer une série de réformes, à la fois structurelles (assurance-chômage, retraites, fonction publique... avec l'objectif d'éradiquer le chômage de masse d'ici à 2025) et politiques (révision de la Constitution, PMA...).
Mais, dès lors que le président reste en position de fragilité, un danger pointe à l'horizon : celui de voir la contestation ressurgir à chaque ébauche de réforme annoncée. Au risque de voir le gilet jaune devenir le symbole de l'opposition au pouvoir. «On peut penser que le temps des réformes est terminé. La Macronie est rattrapée par la réalité de la politique, à savoir que le clivage droite-gauche n'a pas disparu», note Philippe Moreau-Chevrolet.
Mais c'est également sur le front des réformes en matière d'écologie que l'exécutif va être attendu au tournant. Et pour cause : hormis la création d'un «conseil de défense écologique» et le renoncement à la fiscalité écologique, aucune mesure pro-environnement n'a été avancée par le président. Or l'heure n'est plus au diagnostic mais aux solutions, insistent les associations.
Une popularité à relancer
Renouer avec les Français, tel est l'immense défi qui s'impose à Emmanuel Macron, dont la cote de popularité tourne actuellement autour de 30 %. Si le président a affirmé qu'il «ne serai[t] pas celui qui cherche à plaire», car «diriger en démocratie c'est accepter de ne pas être populaire», il espère néanmoins lancer l'acte II de son quinquennat sur de nouvelles bases, loin de l'image de Jupiter qui lui colle à la peau.
Mais les annonces suffiront-elles ? Non, ont répondu à l'unisson le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, et la tête de liste du RN pour les européennes, Jordan Bardella, jugeant que «la colère» n'était pas près de s'éteindre. Emmanuel Macron a fait un «bras d'honneur aux gilets jaunes», a estimé de son côté la tête de liste PCF, Ian Brossat. Des gilets jaunes à Aubagne (Bouches-du-Rhône) ont quant à eux critiqué «des mesurettes à la con», «du pipeau».
Comme reconnu par un membre de la majorité, «si elle s'enclenche, la 'remontada' dans l'opinion sera longue».
des gilets jaunes à contenir
Après cette séquence «réponses à la crise», le mouvement des gilets jaunes va-t-il tenir ? Il y a fort à parier, les manifestants ayant déjà prévu de battre à nouveau le pavé, samedi, pour un acte XXIV à Paris, Strasbourg ou encore Toulouse. Et, en plus des défilés traditionnels, d'autres actions vont être menées, comme au début du mouvement : opération escargot, marche nocturne, gilet jaune géant au sommet de la Roche de Solutré (Saône-et-Loire)... Sans compter un «grand rendez-vous» des gilets jaunes, des syndicats et des associations pour la journée du 1er-Mai, qui pourrait amorcer une convergence des luttes.
«Seule une mesure d'envergure aurait pu éteindre la mobilisation des gilets jaunes, comme une dissolution de l'Assemblée ou le retour de l'ISF», selon Philippe Moreau-Chevrolet, qui évoque «une communication de crise sur des mesures de basse intensité», «une conférence de presse où le président a voulu ne faire passer qu'un seul message : j'ai entendu, j'ai changé». Suffisamment ?