La bataille sur la rémunération de la diffusion des chaînes du groupe Altice par l'opérateur Iliad (Free) a pris un tour inédit vendredi, avec la suspension puis un rétablissement forcé des chaînes d'Altice, dont BFMTV, sur les Freebox.
Pour le groupe fondé par Patrick Drahi, dans la mesure où Free (Iliad) «a refusé de négocier un accord de distribution des chaînes», ces dernières ne peuvent plus être disponibles sur les box des abonnés de l'opérateur.
«Nous avons constaté jeudi 4 avril que Free a déjà cessé la diffusion de BFM Business et du replay de toutes les chaînes». Elles restent accessibles via les autres opérateurs, Orange, Bouygues Telecom ou SFR, a ainsi expliqué Altice dans un communiqué.
Pour autant, les autres chaînes du groupe, BFMTV, RMC Découverte et RMC Story restaient visibles sur les Freebox, reconnaissait-on du côté d'Altice, qui précisait pourtant avoir coupé le signal à destination de Free.
Dans un communiqué, le groupe de Xavier Niel a répondu avoir «rétabli la diffusion de ces trois chaînes pour l'ensemble de ces abonnés», en se reposant sur l'article 1.1 de la convention de ces chaînes avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) «qui oblige à permettre leur reprise sur les réseaux ADSL et Fibre».
«Contrairement à la communication mise en œuvre depuis plusieurs semaines par le groupe Altice/SFR, les Freebox permettront toujours d'accéder aux chaînes de la TNT gratuite», assure par ailleurs Iliad.
Une situation «inacceptable», a répliqué Altice, pour qui «Free pirate la livraison du signal de ces chaînes». Altice a dit envisager «toutes les mesures juridiques, réglementaires et judiciaires adaptées face à cette situation illégale».
Les deux groupes connaissent depuis plusieurs semaines les mêmes tensions qui ont marqué, il y a quelques mois, les négociations entre les groupes TF1 et M6 d'une part et les opérateurs de téléphonie de l'autre, alors que l'accord de diffusion des chaînes d'Altice via Free est arrivé à échéance le 20 mars.
«Position discriminatoire»
Pour l'ensemble des groupes de médias, la diffusion des chaînes gratuites, et plus encore de leurs «services à valeur ajoutée», tels que la télévision en rattrapage (replay), la vidéo à la demande ou des programmes en avant-première, doivent faire l'objet d'une rémunération de la part des opérateurs, qui proposent à leurs abonnés des offres couplés internet-téléphonie-télévision et utilisent donc cette dernière comme un argument commercial.
Un point de vue que les opérateurs ont toujours réfuté, rappelant que la diffusion des chaînes gratuites de la TNT devait, par définition, être gratuite.
Après plusieurs mois de bataille, M6 et TF1 avaient fini par trouver un accord avec Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free pour la rémunération des services à valeur ajoutée, une rémunération s'appuyant sur le nombre d'abonnés fixes détenu par chaque opérateur qui s'élève, selon plusieurs sources concordantes, à quelques millions d'euros.
Alors que les accords de diffusion de ses chaînes chez ses différents concurrents commencent à toucher à leur fin, c'est désormais au groupe Altice de tenter de se faire rétribuer pour la diffusion de BFMTV, RMC Découverte, RMC Story et BFM Business, auprès d'Iliad, après avoir déjà signé avec Bouygues, Telecom et SFR, autre filiale du groupe Altice.
Or, selon le communiqué d'Altice, Free «refuse de négocier depuis plusieurs mois», et «adopte une position discriminatoire (à l'égard des chaînes concernées) après avoir signé des accords avec le groupe TF1 et avec le groupe M6».
Iliad, la maison-mère de Free, avait souligné à l'expiration de l'accord en mars, ne pas avoir «reçu de vraie proposition commerciale» de la part d'Altice concernant «les services à valeur ajoutée» (télévision en rattrapage, vidéo à la demande ou programmes en avant-première par exemple).
Pour les chaînes de télévision, les opérateurs télécoms sont devenus des intermédiaires incontournables: la France compte en effet au total près de 30 millions de foyers recevant la télévision via une box ADSL, câble ou fibre optique, un cas unique en Europe à un tel niveau: 13,2 millions équipés par Orange, 6,5 millions par Free, 6,3 millions par SFR, 3,4 millions par Bouygues Telecom.
A ces foyers s'ajoutent près de 5 millions d'abonnés directs aux diverses offres Canal+.