Et maintenant ? Le grand débat national, lancé par l’Elysée en réponse au mouvement des gilets jaunes, s’est officiellement achevé vendredi, après deux mois de concertations.
Pour Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, l’opération s’est bien déroulée, mais il va désormais falloir répondre rapidement aux attentes des Français. Entre l’issue de cette grande opération et la perspective des élections européennes du 26 mai prochain, le secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre est en première ligne sur de nombreux dossiers. D’autant qu’il pourrait aussi annoncer prochainement sa candidature à la mairie de Paris en 2020.
La dernière manifestation des gilets jaunes, samedi, a encore une fois été perturbée par des casseurs. Le Fouquet’s a par exemple été saccagé. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Cette violence est inacceptable, inadmissible et elle n'a pas sa place dans la République. Le déferlement de haine samedi sur les Champs-Élysées, ce n'est pas la France. Et rien ne peut excuser ceux qui participent, encouragent ou applaudissent à des violences, des incendies et des pillages. Néanmoins, l’analyse des événements de samedi montre que le dispositif de sécurité s’est révélé insuffisant pour contenir ces violences et éviter les agissements des casseurs. Il faut tirer les conséquences de ces dysfonctionnements.
En parallèle, le mouvement des gilets jaunes semble s’essouffler. Etes-vous soulagé ?
Je serai soulagé quand on aura réglé le problème du chômage de masse, de l'accès aux soins, des retraites, de l'école… Et c’est à quoi nous travaillons sans relâche depuis le premier jour.
Le maintien de l'ordre en France a beaucoup été critiqué pour son « usage excessif » de la force. Doit-il être amélioré ?
Ceux qui portent une telle critique portent une lourde responsabilité. C’est un message de confiance, et certainement pas de défiance, que nous devons adresser à nos policiers et à nos gendarmes. Où est la violence ? Gardons à l'esprit que les forces de l'ordre ont été confrontées à un phénomène inédit de violences, où certaines personnes infiltrent des manifestations pour casser et agresser, voire tuer, des policiers. Une réponse proportionnée est nécessaire.
«S'il y a eu des comportements inadéquats, ils seront sanctionnés.»
La loi anti-casseurs a vocation à identifier en amont ceux qui viennent dans des cortèges pour casser, leur interdire de prendre part à la manifestation, mais également prévenir les violences grâce aux fouilles. Ceux-là n'y ont pas leur place. Quant aux forces de l’ordre, elles sont strictement contrôlées. Je rappelle que plus de 170 enquêtes ont été ouvertes par l'IGPN. S'il y a eu des comportements inadéquats, ils seront sanctionnés.
Le grand débat, qui s'est achevé vendredi dernier, a-t-il été une réussite, selon vous ?
C’est d’abord une réussite pour le pays et les Français. Il y a eu 1,7 million de contributions sur internet, plus de 10 000 réunions sur le terrain, et plus de 16.000 cahiers citoyens installés dans les mairies, soit près d’une sur deux. Preuve que les élus ont joué le jeu et que les citoyens ont participé. Rien que pour ça, ces deux mois ont été utiles. Vient maintenant le temps des conférences citoyennes : ce week-end, comme le week-end prochain, des centaines de Français tirés au sort ont délibéré sur les synthèses des débats et voir s'il y a consensus sur les questions fiscales, écologiques, de services publics... Puis l'Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental vont s'en emparer, avant de remettre leurs propositions.
Le gouvernement ayant déjà prévu de garder le cap, les contributions vont-elles vraiment se traduire en actes forts ?
Le temps des réponses n’est pas encore venu. Je retiens en tout cas deux choses : les Français veulent moins d'impôts et de normes parfois inutiles. Et ils veulent que le travail soit mieux rémunéré, pour en vivre dignement. C'est le fil rouge de nombreux débats auxquels j'ai participé avec des apprentis, des Parisiens, des mères célibataires… Là-dessus, nous proposerons des solutions concrètes, qui partent du quotidien vécu par la population, mais aussi des mesures de plus long terme, que ce soit pour l'accès aux soins, les retraites, le niveau de l'école... Car le pire, après deux mois de débats, serait qu'il n'y ait pas de vrais débouchés. Le gouvernement a pris la mesure de l'attente.
Que répondez-vous à ceux qui accusent Emmanuel Macron de faire campagne pour les européennes ?
C'est une mauvaise polémique. Pour l'opposition, quand on ne parle pas aux Français, on est soupçonné d'être déconnecté, et quand on leur parle, on est en campagne. Il faut choisir ! Je rappelle qu'Emmanuel Macron n'a fait qu’une dizaine de réunions sur 10.000.
La ministre aux Affaires européennes, Nathalie Loiseau, s'est déclarée candidate pour conduire la liste LREM aux élections du 26 mai. Un choix naturel ?
C'est une grande Européenne, qui connaît par cœur Bruxelles et les rouages de l'UE. Mais nous portons davantage un projet que des personnes. Un projet qu'il faudra bâtir en France, mais aussi avec les autres Etats européens. Comme le président l'a souligné, l'Europe, pour nous, c'est la liberté, le progrès et la protection. Ce scrutin est historique. On élit des députés européens depuis quarante ans, mais c'est la première fois que cela peut s'arrêter, que des forces politiques veulent stopper arrêter le projet européen. Il faut sauver l'Europe. Elle n'est pas parfaite, mais on a tendance à oublier ce qu'elle apporte. En France, par exemple, le plan Très haut débit, le TGV Est, le Louvre à Lens, ou encore la passerelle du Mont Saint-Michel sont en partie financés par l’Europe.
Est-ce toujours, comme l'avait déclaré le président, un duel entre «progressistes» et «nationalistes» qui va se jouer ?
C'est une opposition entre ceux qui pensent qu'on serait plus fort seul et veulent retourner dans des frontières nationales, et ceux qui pensent qu'on est plus fort à plusieurs, ensemble, autour de valeurs communes comme la liberté, la justice sociale, la sécurité... Plus fort notamment sur le plan commercial, pour résister aux grandes puissances comme la Chine, les Etats-Unis, la Russie. L'Europe a la capacité de porter des projets ambitieux et innovants. Mais ça ne marchera pas si on avance chacun dans notre coin.
Moins de chômage, mais davantage de travailleurs pauvres, comme en Allemagne, est-ce une fatalité ?
Notre objectif est que le travail paie mieux. Lorsqu'un travailleur perd son emploi à cause de la concurrence internationale, de l'intelligence artificielle ou du numérique, il faut l'accompagner, le former, l'amener vers un nouveau métier, pour qu'à terme il puisse vivre dignement de son travail. L'école et le travail sont la pierre angulaire de tout ce que l'on bâtit. Lorsqu'on travaille, il faut en être récompensé.
D’autres élections approchent, en 2020. Votre candidature à la mairie de Paris n’est-elle plus qu’une question de jours ?
J'ai toujours dit que, si je devais être candidat, je le dirais au printemps – qui approche. Et si je le suis, je quitterai le gouvernement, car faire deux choses en même temps, c'est l'assurance de mal faire les deux. Trois choses sont nécessaires pour l’envisager : des solutions concrètes aux problèmes du quotidien des Parisiens, une vision de la ville dans trente ans et une équipe, car on ne peut rien accomplir sans un travail collectif. Cela fait un an que j'écoute des Parisiens, des responsables associatifs, des entrepreneurs, des élus de terrain qui me disent que la capitale est délaissée, négligée. Un an que les Marcheurs font un formidable travail de diagnostic et de propositions. Beaucoup d'idées nouvelles sont sur la table. A Paris, il y a deux murs : le périphérique qui coupe Paris des villes de la petite couronne ; et un mur invisible, mais bien réel, qui sépare l’est de l’ouest parisien pour des raisons idéologiques. Si demain je devais porter un projet, il consisterait d'abord à faire tomber ces murs. Le maire de Paris doit être le maire de tous les Parisiens, et il a une responsabilité particulière envers les villes voisines.
Les mobilisations pour l'environnement se multiplient, tandis que l'opposition vous reproche une politique des petits pas en matière d'écologie. En faites-vous suffisamment ?
Nous sommes le premier gouvernement qui a pour objectif d'arrêter les centrales à charbon en 2022, de réduire le nombre de réacteurs nucléaires, et d'en finir, à terme, avec le glyphosate. On ne peut instrumentaliser la question de la transition écologique. Quand certains s'emploient à poursuivre en justice l'Etat pour inaction climatique, nous préférons proposer des solutions concrètes aux problèmes environnementaux.
«C'est un enjeu de génération, car la prochaine n'aura plus de planète, si nous continuons comme avant»
La bataille contre le dérèglement climatique doit transcender les clivages politiques. C'est le problème numéro 1 de notre civilisation. La planète vaut bien deux heures de cours [NDLR : séchés par des lycéens pour aller manifester pour le climat, en référence aux récentes « grèves scolaires »]. C'est un enjeu de génération, car la prochaine n'aura plus de planète, si nous continuons comme avant.
La transition écologique est-elle vraiment compatible avec une politique «pro-business», favorable aux entreprises ?
Oui, l'écologie ce n'est pas seulement interdire. Elle doit être positive, pas punitive. La transition écologique est un gisement considérable de centaines de milliers d'emplois, dans les énergies renouvelables, l'économie circulaire, le recyclage, la recherche, tout le travail réalisé pour décarboner notre économie. Dans une Europe post-Brexit, nous pourrions faire de Paris la capitale mondiale de l'innovation environnementale et de la finance vertes. Quant à la politique « pro-business », je prends l'exemple de la loi Pacte : qu'on ne s'y méprenne pas, c'est une loi pour aider nos TPE et PME à se développer en France, ce n'est pas pour les grands groupes multinationaux. Je préfère produire en France plutôt que d'importer, c'est bon pour l'écologie, d'ailleurs.