Une marche blanche en Corse, là où Julie Douib a été tuée par balles dimanche par son ex-compagnon, une autre en Seine-et-Marne, dans son village natal : près de 4.000 personnes ont défilé samedi en souvenir de cette jeune femme, la 30e victime de féminicide en 2019 en France.
A L'Ile Rousse, en Haute-Corse, la marche silencieuse a débuté vers 14 heures, devant la résidence où vivait la victime avec ses deux garçons, âgés de 8 et 10 ans. Elle s'est achevée une heure plus tard face à la Méditerranée par un lancer de roses blanches dans la mer, en présence de 3.000 personnes, dont l'aîné de ses enfants.
«Elle m'a simplement dit, "Il m'a tuée"», a témoigné Maryse Santini, sa voisine, qui l'avait découverte sur son balcon dimanche, gisant dans son sang, quelques instants après le drame : «Ça faisait déjà un mois qu'elle me disait "il va me tuer, il va me tuer", et voilà...»
«Pour moi, il y a eu défaillance dans le système, dans le manque d'écoute, Elle n'a pas été accueillie (par les enquêteurs) comme elle aurait dû être accueillie», a accusé de son côté Lucien Douib, le père de Julie, trouvant anormal qu'on ait attendu sa fille pour parler des féminicides cette année : «C'est pas normal (...) qu'on n'ait pas parlé des 30 premières femmes qui sont mortes, on aurait dû en parler, de la première, la deuxième, jusqu'à la 30e, avant que ça n'arrive».
Une autre marche blanche, réunissant près de 900 personnes, a eu lieu à Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), d'où était originaire la jeune femme de 34 ans. Parmi la foule, l'humoriste et actrice Muriel Robin, qui avait incarnée à l'écran Jacqueline Sauvage, cette femme condamnée pour le meurtre en 2012 de son mari violent après 47 ans d'enfer conjugal, avant d'être graciée en 2016 par François Hollande.
«Ce qui est arrivé à Julie n'aurait jamais dû arriver. Son dépôt de plainte aurait dû être considéré», a-t-elle insisté, ajoutant : «Il faut que le cauchemar de ces femmes s’arrêtent. L’État doit mettre de l'argent sur la table, 1 milliard, créer des centres d'hébergement».
Julie a été tuée «dans une situation de séparation très conflictuelle», avait précisé la procureur de la République de Bastia, Caroline Tharot. Plusieurs plaintes avaient ainsi été déposées, par la victime, mais aussi l'auteur des tirs ou le père de la victime, pour violences, vol, dégradation ou injures non publiques.
Toutes ces plaintes avaient été «traitées» et avaient donné lieu à une médiation pénale, infructueuse, avait précisé Mme Tharot : «On n'est pas dans la situation d'une personne qui aurait été régulièrement battue par son compagnon en tout cas, si tel était le cas, ça ne ressort pas des plaintes ou des mains courantes».
Le tireur, un homme de 42 ans détenteur d'une licence de tir sportif, s'était constitué prisonnier à la gendarmerie. Il a été mis en examen pour assassinat et placé en détention provisoire.
«Elle n'a pas été suffisamment protégée», s'était emportée mardi la secrétaire d’État à l’Égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, sur BFM-TV : «On passe notre temps à dire aux femmes qu'elles doivent parler, qu'elles doivent déposer plainte, (...), et là nous avons une femme qui courageusement avait parlé, était allée voir les forces de l'ordre, et ça n'a rien donné».
En 2017, 130 femmes étaient mortes en France sous les coups de leur compagnon, ex-conjoint ou concubin, selon le ministère de l'Intérieur, soit une tous les trois jours.